
Pascal Gauthier (Ledger) : «Notre ambition va bien au-delà de la crypto»

L’Agefi : A l’occasion de la 8e édition de BpiFrance Inno Generation, le ministre du Numérique Jean-Noël Barrot a illustré la «métamorphose numérique» de la France en soulignant l’importance de Ledger pour la ville de Vierzon. Ledger s’internationalisant de plus en plus, que représente cette ville aujourd’hui pour vous ?
Pascal Gauthier : C’est à peu près une centaine d’emplois. Pour le moment, Vierzon est notre centre de logistique mais aussi notre centre d’assemblage. Mais demain, ce le sera moins, notamment parce que nous allons augmenter les cadences de production de nos produits à l’étranger ; au Vietnam, à Taïwan ou en Pologne.
Aujourd’hui, nous envoyons tous nos portefeuilles numériques depuis Vierzon. 20% des colis FedEx qui vont aux Etats-Unis depuis la France sont des portefeuilles numériques Ledger. Vierzon, c’est un port sec, le 7e de France. Nous y avons aussi des développeurs.
Comment expliquez-vous les récents hacks géants qui ont touché l’écosystème crypto ces derniers mois ?
La sécurité informatique nécessite beaucoup de recherche et développement, et doit se mettre à jour sans cesse. Par exemple, le hack dont a été victime Binance était de très haut niveau. Aujourd’hui, même des États s’y mettent, comme la Corée du Nord, et dans ces cas, il est beaucoup plus difficile de retrouver l’argent, parfois même impossible.
Ensuite, il y a évidemment de la négligence. Certains développeurs n’ont aucune idée de ce qu’est la sécurité informatique. C’est aussi une question de maturité de l’écosystème et d’assurance. Aujourd’hui, trop peu de choses sont assurées dans l’écosystème crypto.
Est-ce préjudiciable en termes de réputation pour la démocratisation de l’écosystème crypto ?
Partout où il y a de l’argent, il y a des voleurs. Il n’y a qu’à regarder l’addition de ce qui est volé au groupement interbancaire tous les ans. La sécurité parfaite n’existe pas. Mais demain, pour bénéficier de la meilleure, il faudra un Ledger : nous avons cette ambition. Aujourd’hui, nous sommes les meilleurs du monde pour assurer la sécurité dans l’écosystème crypto. Notre modèle s’impose encore plus avec l’actualité liée aux plateformes qui explosent en vol comme Celsius Network sur lesquelles l’utilisateur perd la possession de ses fonds. Et dans le futur, beaucoup de business vont se développer autour de cela, notamment avec l’identité qui pourra être tokenisée.
L’identité tokenisée, c’est votre prochain marché ?
Oui, la combinaison de l’argent et de l’identité, c’est le futur du portefeuille physique, le hardware wallet dans le jargon crypto. Aujourd’hui, les portefeuilles physiques que nous avons tous dans la poche ne sont pas pratiques et pas sécurisés. Pour combler cela, il faudra les dématérialiser en un produit élégant. Nous maîtrisons toute la chaîne de valeurs, aussi bien technologique que marketing, pour le faire. Il n’y a pas de raison que les Américains arrivent à faire de grandes entreprises et pas nous. Notre ambition va bien au-delà de la crypto. Nous voulons fournir une solution qui sera une sorte de compagnon de tous les jours pour les utilisateurs.
Au-delà des particuliers, ambitionnez-vous de devenir la référence de la sécurité pour les institutionnels ?
Pour le moment, la plupart des grandes entreprises n’ont pas encore beaucoup de cas d’usages avec la crypto mais ce n’est qu’une question de temps. Pour comparer avec le développement d’internet, nous sommes au milieu des années 1990 pour la crypto qui reste aujourd’hui une activité de «geek». L’iPhone d’Apple a changé l’expérience utilisateur de l’internet mobile parce qu’il a réussi à tout simplifier. La crypto fonctionnera correctement lorsqu’elle aura passé le même cap.
La France est-elle armée pour faire face à la guerre des talents avec le développement de cette industrie ?
Oui, nous avons parmi les meilleurs développeurs, financiers, ingénieurs. Nous avons une belle carte à jouer notamment parce que c’est la première fois qu’il y a une révolution d’Internet et que les plus grosses entreprises ne sont pas américaines. Binance, BitMex ou encore FTX ne sont pas américaines, même si Samuel Bankman-Fried, le PDG de FTX, l’est, et ont été créées dans des juridictions qui auraient été complètement improbables pour des entreprises du web d’avant. Cela veut dire que les talents peuvent être recrutés un peu partout sur la planète. Le monde n’est plus forcément dépendant de la Silicon Valley sur ce point-là. Il y a par exemple Sorare [jeu de carte à jouer, ndlr] ou encore Kaiko [spécialisée dans la data crypto] qui commencent à être des acteurs importants au niveau mondial.
Etes-vous une entreprise rentable aujourd’hui ?
Il n’y a pas de rentabilité ou de non-rentabilité absolue. C’est vraiment une question de la maturité d’une entreprise, des investissements qui sont faits. Ledger dégage des marges qui sont très bonnes. D’ailleurs, il est impossible dans cette industrie de faire des tours de financements comme les nôtres si nous n’avions pas été rentables dès le départ. La plupart des entreprises qui ont réussi comme FTX ou Coinbase ont été rentables très vite parce que les investisseurs à l’époque ne savaient pas encore bien identifier les cas d’usages de la crypto et n’acceptaient pas forcément de dépenser à perte pendant de nombreuses années.
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