
Pourquoi le prix de l’action Orpea est artificiellement élevé

Le marché a toujours raison, dit-on. Pourtant, il produit parfois des phénomènes bien mystérieux. Comme le prix de l’action Orpea. Alors que le groupe est, depuis plusieurs mois, engagé dans une restructuration financière qui va diluer massivement les actionnaires, le cours de son titre apparait étonnamment élevé.
Deux jours après le lancement de la première augmentation de capital du groupe, l’action vaut encore 0,7 euro, soit beaucoup plus que le prix de 0,06 euro proposé lors de cette levée de fonds. Une situation étonnante qui, comme l’indique le compte Linkedin de Vernimmen, l’ouvrage de référence en finance d’entreprise, laisse entendre qu’Orpea vaudrait autant que TotalEnergies.
En effet, le groupe de maisons de retraite a prévu de lancer au total trois augmentations de capital successives, entraînant la création de 159 milliards de nouvelles actions. Multipliées par le cours actuel du titre, elles donneraient une capitalisation boursière de 111 milliards d’euros, contre 147 milliards pour le géant français du pétrole.
Ventes à découvert
Cet écart entre la valeur théorique d’une action et son prix constaté s’explique en fait par des phénomènes «purement techniques», indique Gabriel Teodorescu, associé de Laffitte CM, gérant d’un fonds spécialisé dans l’arbitrage des opérations de fusion-acquisition.
«La valeur d’un titre se décompose entre sa valeur intrinsèque et sa valeur prêtable, c’est-à-dire le prix qu’il faudrait débourser pour l’emprunter. Dans les cas «normaux», le coût d’emprunt est très faible, mais il peut devenir très élevé lorsque beaucoup d’intervenants cherchent à vendre le titre à découvert, soit parce que l’entreprise est en situation de détresse financière, soit pour des raisons techniques», explique le spécialiste.
Ce coût d’emprunt correspond «au prix du loyer que doit payer un vendeur à découvert pour maintenir ses positions vendeuses. Dans le cas d’entreprises en restructuration, des arbitragistes peuvent acheter la dette et se couvrir en vendant l’action. Lors d’augmentations de capital avec droits préférentiels de souscription (DPS), certains peuvent acheter le DPS et vendre le titre pour figer le profit de leur arbitrage», analyse Gabriel Teodorescu. «Par exemple, à l’époque de la restructuration d’Eurotunnel, lors des derniers mois de cotation de l’action, le coût d’emprunt représentait presque la totalité de la valeur de l’action», rappelle-t-il. Le phénomène joue sans doute également dans le prix actuel de Casino alors que le distributeur devrait convertir 4,9 milliards d’euros de dettes en capital au cours des prochains mois.
Gare à la chute
Dans le cas d’Orpea, le coût d’emprunt peut représenter jusqu’à 90% du prix. Compte tenu de la dilution suite à l’augmentation de capital, la quasi-totalité de la capitalisation de l’entreprise est en fait dans la valeur du droit. «Le vrai prix du titre dans ce genre de dilution est celui du DPS», indique Gabriel Teodorescu. Ce droit, négociable sur Euronext jusqu’au 23 novembre, valait moins de 5 centimes d’euro le 16 novembre en milieu de journée.
«Le 21 ou le 22 novembre, soit quelques jours avant cette date butoir, le cours d’Orpea devrait tendre vers le prix de souscription soit 0,06 euro», prévient le spécialiste. A bon entendeur.
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