LMB Aerospace, un chiffon rouge pour l’investissement dans la défense

Annoncé fin février, la cession de l'équipementier français à un groupe américain fait polémique au nom de la souveraineté nationale. Un cas d'école pour les fonds, appelés à soutenir l’effort de défense, mais limités dans leurs options de sortie.
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Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L'Agefi  - 

C’est la marque du génie administratif français d’accabler les agents économiques d’injonctions contradictoires. Ce 20 mars, décrété jour de mobilisation générale pour le financement de la défense, les annonces sont tombées comme à Gravelotte. L’un des défis de la France est de soutenir la montée en puissance des quelque 4.500 PME qui travaillent pour la filière, en renforçant leurs capitaux propres. Encore faut-il que les actionnaires privés appelés à la rescousse puissent y trouver leur compte. Or, la gestion du cas LMB Aerospace, un fabricant de systèmes de ventilation et de refroidissement pour les avions, illustre à la perfection le hiatus entre les déclarations martiales et la réalité du terrain.

L’entreprise corrézienne évolue depuis 2022 dans le giron de Tikehau Capital et de fonds de la galaxie Crédit Agricole, qui l’avaient rachetée à d’autres investisseurs financiers. Fin février, le consortium est entré en négociations exclusives pour céder l’équipementier au groupe américain Loar. L’affaire est belle pour Tikehau, qui agit au travers d’un véhicule dédié à l’aéronautique et à la défense. Le prix de vente, estimé à 365 millions d’euros, valorise le petit fournisseur du Rafale à neuf fois son chiffre d’affaires. Sitôt la transaction signée, la polémique n’a cessé d’enfler, alimentée par le Rassemblement national : en livrant une pépite aux Américains, c’est la souveraineté nationale qu’on braderait. Qu’importe si aucun groupe français n’a jugé bon de s’en porter acquéreur et si d’autres fournisseurs fabriquent les mêmes produits que LMB Aerospace. Les ministères des Armées et de l’Economie, qui ont à juste titre droit de vie et de mort sur tous les changements de contrôle dans le secteur, passent aujourd’hui l’opération en revue sans exclure de la bloquer.

Le cas s’est déjà produit fin 2020, quand Ardian avait voulu vendre le spécialiste de l’optronique Photonis au groupe américain Teledyne. Face au veto de l’Etat, le plus gros acteur français du non-coté avait été forcé de céder l’entreprise à son compatriote HLD en consentant un rabais de 25% sur le prix. L’affaire s’est bien terminée pour l’acquéreur et pour la France, puisque Photonis, rebaptisé Exosens, s’est coté avec succès l’an dernier sur Euronext Paris et s’apprête à entrer dans l’indice SBF 120. Une introduction en Bourse reste cependant l’exception plutôt que la règle, a fortiori dans un secteur où la contrainte de transparence des marchés peut se heurter au secret-défense. Quant à Ardian, on ne l’y reprendra plus.

Il ne s’agit pas de transiger avec la souveraineté de la France. Mais pour convaincre un maximum de fonds d’investir dans le secteur, il faudra leur ménager de nouvelles voies de sortie et des perspectives de plus-value à moyen terme. Avec Safran, Thales, Dassault ou Bpifrance comme acheteurs en dernier ressort, le champ des possibles est aujourd’hui trop étroit.

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