Les majors américaines snobent la transition verte

L'éditorial d’Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L’Agefi
Directeur de la rédaction
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Comme Chevron, Exxon continue à miser gros sur les hydrocarbures  -  Johnny Silvercloud

Big Oil porte bien son nom. Chevron est la deuxième major pétrolière américaine à investir massivement dans les hydrocarbures en l’espace de quinze jours. En mettant 53 milliards de dollars sur la table, par échange de titres, pour acheter son compatriote Hess, le groupe lorgne les énormes réserves découvertes ces dernières années au large du Guyana. Mi-octobre, Exxon a pris un ticket de 60 milliards de dollars, payé là aussi en papier, pour avaler Pioneer Natural Resources et ses activités dans le pétrole de schiste du bassin permien.

Dans un marché des fusions-acquisitions qui tourne au ralenti, ces deux transactions détonnent autant par la taille que par le discours de leurs promoteurs. Ni Chevron ni Exxon ne font mine d’engager un quelconque virage vers les énergies renouvelables, à la différence de leurs concurrents européens. Le pari sur les hydrocarbures, leur métier historique, est assumé. «Nous vendons un bon produit», déclarait en septembre au Financial Times le directeur général de Chevron, Mike Wirth. Ce dernier ne croit pas au scénario de l’Agence internationale de l’énergie, qui a prédit l’apogée de la demande d’or noir avant la fin de la décennie. Dans le «monde réel» – celui de la guerre en Ukraine – le client réclame toujours du pétrole et du gaz, estime le dirigeant, et le devoir d’une major est d’y répondre. La transition verte et la lutte contre le changement climatique attendront. Y compris chez les banques d’affaires, toutes américaines, qui conseillent l’opération du jour – Morgan Stanley, Evercore, Goldman Sachs et JPMorgan.

Aussi cynique puisse-t-il paraître, ce jeu de mistigri où les actifs sales passent de main en main fait pour l’instant le bonheur de ceux qui s’y adonnent. La bonne santé des producteurs d’hydrocarbures contraste avec la crise qui frappe certains segments du renouvelable, comme l’éolien offshore aux Etats-Unis. Un investisseur qui aurait acheté en début d’année le fonds indiciel coté S&P US Energy Select, où les actions Chevron et Exxon pèsent lourd, afficherait un gain de 10%. Il aurait perdu en revanche près d’un tiers de sa mise s’il avait préféré l’ETF Global Clean Energy, plus propre. Un tel écart de performance a de quoi troubler les actionnaires les plus vertueux. En 2021, profitant du médiocre parcours boursier d’Exxon, le fonds activiste Engine No.1 avait sonné la révolte en assemblée générale et fait élire ses candidats comme administrateurs du groupe. Il défendait alors une feuille de route pro-climat. Cet automne, ses représentants au conseil ont signé des deux mains le projet de rachat de Pioneer.

Ironie du calendrier, Chevron a annoncé l’acquisition de Hess le jour même où plus de 130 multinationales prenaient la plume pour défendre la transition énergétique. Ces entreprises exhortent les décideurs politiques qui se réuniront du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, lors de la COP 28, à fixer un calendrier de sortie des énergies fossiles. Un vœu qui n’a jamais paru si éloigné du «monde réel» de Mike Wirth.

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