
L’abstention en AG pourrait ne plus être assimilée à un vote «contre»

Les abstentionnistes continueront-ils à être assimilés à des opposants lors des assemblées générales ? La loi pourrait bientôt changer. Aujourd’hui, la commission des lois de l’Assemblée nationale se penche sur la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, adoptée par le Sénat en première lecture le 8 mars 2018. Elle prévoit de modifier l’article L. 225-107 du Code de commerce afin que l’abstention ne soit plus comptabilisée comme un vote négatif, mais qu’elle soit extraite des suffrages exprimés. Une petite révolution en perspective. Cette évolution «permettra à la France de s’aligner sur les législations d’autres Etats européens, précise Christine Rocha, avocat chez EY Société d’avocats. S’il est plus difficile d’admettre l’abstention de la part d’un administrateur qui devrait prendre position, un actionnaire peut ne pas vouloir se prononcer sur telle ou telle résolution». L’abstention constitue souvent «une réponse à un sujet émotionnel, comme la rémunération des dirigeants ou la nomination d’un administrateur, explique Bénédicte Hautefort, éditrice de L’Hebdo des AG. L’actionnaire n’a pas envie de voter contre la résolution, mais ne veut pas non plus la soutenir. Un comportement que l’on constate essentiellement chez les institutionnels français».
En effet, «forcer les actionnaires à voter pour ou contre une résolution ne constitue pas le meilleur mode de gouvernance, explique Jean-Marc Franceschi, avocat associé chez Hogan Lovells. Nous sommes favorables à la prise en compte par les émetteurs du message envoyé par l’abstentionniste». Cette prise en considération de l’abstention est «une bonne pratique, précise Véronique Bruneau-Bayard, avocat chez CMS Francis Lefebvre Avocats. En s’abstenant, les actionnaires veulent faire passer un message, en disant ‘nous ne sommes pas pour mais ne voulons pas voter contre’. Une indication pour les conseils lorsqu’ils analysent a posteriori le résultat des votes». Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où les administrateurs remettent en jeu leur mandat chaque année, une faible approbation du say on pay conduit souvent à un faible taux de renouvellement du président du comité des rémunérations.
«Un actionnaire, sans être en strict conflit d’intérêts, peut estimer qu’il ne doit pas voter une résolution en s’abstenant. Une pratique vertueuse. Mais sous le régime de la SA, son abstention est assimilée à un vote d’opposition, ce qui n’est pas son souhait, poursuit Jean-Marc Franceschi. Aussi, nous militons pour la prise en compte de l’abstention dans les SA, ce qui permet d’être vertueux sans mettre en danger la résolution.»
Si les parlementaires adoptent cette modification du Code de commerce, les SA ne feront que s’adapter au régime déjà appliqué par les sociétés européennes (SE). Une situation fustigée par Proxinvest dans son rapport sur les assemblées générales 2018, rappelant que la rémunération ex-post du directeur général de Téléperformance SE avait été adoptée à 50,21%, car l’abstention (2,4%) n’a pas été comptabilisée. Si elle l’avait été, la résolution aurait été rejetée.
A Paris, 18 sociétés cotées ont adopté le statut de société européenne (dont 6 dans le CAC 40 et 5 dans le Next 80), selon les données de L’Hebdo des AG. «Cette modification de statut juridique facilite le changement de siège social. Un pas franchi par huit de ces sociétés, poursuit Bénédicte Hautefort. De plus, les exigences en matière de droit du travail et de droit social se négocient sur mesure pour chaque société. Un atout quand une société veut réaliser des acquisitions ou envisage la fermeture de sites.»
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