
La Cour des comptes tire à boulets rouges sur l’EPR

La Cour des comptes a publié aujourd’hui son rapport sur la filière nucléaire EPR. L’institution constate «l’échec opérationnel» du projet de réacteur, en soulignant des «conséquences graves pour l’ensemble de la filière».
«La construction de nouveaux EPR en France ne saurait en tout état de cause être envisagée sans réponses préalables claires sur les modes de financement et la place de la production électronucléaire dans le mix électrique de demain», soulignent les sages de la rue Cambon.
La Cour de comptes recommande aussi de reconsidérer l’organisation des travaux concernant les EPR, en «séparant les fonctions de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre», de mieux suivre les projets en cours et de «conduire un exercice de retour d’expérience complet sur tous les EPR construits ou en construction en France et à l’étranger, avec l’ensemble des acteurs concernés» et, enfin, de «prolonger jusqu’en 2050 la planification du mix électrique préalablement à la décision de lancement d’un éventuel chantier de nouveaux réacteurs électronucléaires».
Lancements précipités
Les problèmes ont commencé dès 2001 lorsqu’Areva a voulu développer une stratégie de vente d’EPR «clé en main», alors qu’EDF souhaitait contrôler le développement du «nouveau nucléaire», en France comme à l’étranger. Ainsi, Areva a signé en 2003 un contrat de vente d’un EPR avec le finlandais TVO, alors que l'électricien se lançait dans la construction de celui de Flamanville. «Cette course entre les deux entreprises françaises a conduit au lancement précipité des chantiers de construction de ces deux premiers EPR, sur la base de références techniques erronées et d’études détaillées insuffisantes», souligne le rapport.
La Cour des comptes regrette la multiplication par 3 des coûts de construction et d’au moins 3,5 du délai de mise en service de l’EPR français, et ce à cause «d’une estimation initiale irréaliste de la durée et du coût de construction». Par ailleurs, «un défaut d’organisation du suivi du projet par EDF et un manque de vigilance des autorités de tutelle» sont aussi pointés du doigt. Enfin, la perte de compétences techniques et de culture qualité de la filière nucléaire n’ont été que très tardivement identifiées par EDF.
Ces dysfonctionnements ont ainsi conduit à une mobilisation par l’Etat de 4,5 milliards d’euros pour recapitaliser Areva et Orano (Ex-Areva NC), et EDF a bénéficié d’un apport en capital de 3 milliards d’euros qui lui a permis de prendre le contrôle de l’activité réacteurs de l’ex-Areva NP, devenue Framatome.
Flambée des coûts
Aujourd’hui, le coût de construction de l’EPR de Flamanville est estimé par EDF à 12,4 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront des coûts complémentaires qui pourraient atteindre près de 6,7 milliards à la mise en service du réacteur, toujours prévue mi-2023, dont environ 4,2 milliards d’euros de frais de financiers.
Pour le chantier d’Olkiluoto en Finlande, le coût de la construction atteindrait 8,2 milliards d’euros pour la partie assurée par Areva, selon les informations fournies par la société et sans prendre en compte celui de la turbine (684 millions), précise la Cour des comptes, soit près de 4 fois le montant prévu au contrat initial (2,28 milliards pour le consortium associant Areva et Siemens).
Concernant le chantier d’Hinkley Point, EDF a décaissé 15,7 milliards d’euros pour l’acquisition de British Energy, et devra débourser 16 à 17 milliards d’euros pour la construction des deux réacteurs.
Plus d'articles du même thème
-
Le gaz naturel sera au centre des négociations sur les droits de douane
Les tarifs commerciaux pourraient être conditionnés aux contrats sur le GNL américain si les pays européens et asiatiques souhaitent en faire un levier de négociation avec les Etats-Unis. La volatilité va rester la règle pendant quelques mois. Au-delà, une croissance de l’offre supérieure à la demande devrait progressivement faire baisser les prix. -
Le fonds norvégien mise 1,4 milliard d’euros sur l’éolien en Mer du Nord
L’investisseur souverain fait affaire avec l’énergéticien RWE pour prendre une participation de 49% dans deux projets en construction. -
Le déficit public français s'est moins creusé que prévu en 2024
Le déficit ressort finalement à 5,8% alors que le gouvernement attendait 6%. Il demeure en hausse de 0,4 point de pourcentage sur un an.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions