
«Un rôle plus important accordé au MES rendrait l’Union monétaire plus solide»

L’Agefi : Quels sont vos objectifs de financement pour 2018 ?
Kalin A. Anev Janse : Au cours de cette année, le FESF (Fonds européen de stabilité financière) et le MES (Mécanisme européen de stabilité) devraient émettre un montant total de 46 milliards d’euros d’obligations à moyen et à long terme : 28 milliards pour le premier et 18 milliards pour le second. Le MES a réduit ses besoins de financements cette année en février après le remboursement anticipé de l’Espagne de 5 milliards d’euros. Il s’agit du septième consécutif effectué par le pays, qui a utilisé les fonds pour recapitaliser ses banques en 2012 et 2013. Même avec la réduction en 2018, les besoins de financements du MES devraient augmenter de 6,5 milliards par rapport à 2017. Pour le FESF, rien ne change, les besoins seront en baisse de 21 milliards. 2018 sera la quatrième année la plus forte en termes de volumes d’émissions. Nous estimons qu’ils devraient être de 32,5 milliards au total en 2019.
La zone euro redevient attractive
Comment garantissez-vous la liquidité des titres du MES?
Nous estimons que la Banque centrale européenne (BCE) détient 103,5 milliards d’euros d’obligations du MES qui représentent 44% de l’encours global. Les volumes d’échanges sur le marché secondaire ont néanmoins grimpé à plus de 50 milliards par trimestre en 2017, le moyen d’échange unitaire le plus populaire étant de 20 à 50 millions. Nous surveillons attentivement le comportement des investisseurs sur le marché primaire et secondaire grâce à notre propre système de données quantitatives et qualitatives. Il nous permet d’identifier lorsque la liquidité d’une ligne de titres s’assèche, et de mesurer les changements de comportement des investisseurs sur la durée. Par exemple, la baisse de rendement après l’introduction des rachats de la BCE a conduit à une réduction de l’exposition des investisseurs asiatiques en titres MES, mais elle a été compensée par le fort appétit manifesté par les investisseurs européens.
Quels échos recevez-vous de la part des investisseurs ?
Le MES est la seule institution permettant d’acheter des titres de la zone euro, qui redevient attractive aux yeux des investisseurs internationaux car jugée plus stable que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, maintenant que le risque d’éclatement de la zone euro semble avoir entièrement disparu. La première émission en dollar du MES réalisée l’année dernière a permis de diversifier notre base d’investissement aux Américains du Nord et du Sud. Nous prévoyons de poursuivre les émissions en dollars à un rythme d’une ou deux par an, au cours des prochaines années. Nous ne prévoyons cependant pas pour le moment d’étendre cette démarche à d’autres devises. Notre stock de titres est amené à se réduire, pour autant qu’il n’y a pas d’autre programme ou de nouvelle mission confiée au MES.
L’arrêt éventuel des rachats de la BCE aura-t-il un impact sur le MES ?
Le quantitative easing (QE) de la BCE a jusqu’ici permis aux cinq Etats (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Chypre) qui ont été soutenus par le MES de bénéficier de conditions de financements très attractives. La baisse des rendements nous a permis de réduire nos commissions facturées, et donc le coût du service de la dette a baissé pour ces cinq pays. Un changement de politique de la BCE serait ressenti de manière égale sur le marché, et le MES ne serait qu’un des acteurs à devoir s’y adapter. Elle aurait également des avantages : une hausse de taux permettrait d’attirer davantage d’investisseurs non-européens, à la recherche de rendements élevés, vers les titres émis par le MES.
Sécuriser le FRU
Quel sera votre rôle dans les prochaines années ?
Il commence à se dégager un consensus sur le sujet de l’Union économique et monétaire : le MES pourrait fournir le nouveau filet de sécurité (backstop) du Fonds de résolution unique (FRU). Il semble également qu’un soutien se dessine en faveur d’un rôle renforcé du MES dans les futures gestions de crises, notamment dans les négociations, et le suivi des futurs programmes de soutien financier. Cela se ferait en tandem avec la Commission européenne et dans le strict respect de ses compétences. Un rôle plus important accordé au MES rendrait l’Union monétaire plus solide, et le MES pourra s’appuyer sur l’expertise qu’il a acquise au cours de ses cinq programmes de soutien financier depuis 2011. Mais il reviendra bien entendu aux seuls Etats membres de la zone euro de définir plus précisément nos futures missions. Elles devraient d’ailleurs devenir plus claires au cours du second semestre.
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