
Un faux parfum de 2008

Par nature, un « cygne noir » apparaît toujours là où on ne l’attend pas. Alors quand deux de ces volatiles font planer en même temps leur ombre sur l’économie mondiale et les marchés financiers, c’est la panique assurée. A la crise sans précédent provoquée par l’épidémie de coronavirus est venue se greffer une guerre des prix du pétrole (lire page 16), et la correction des Bourses s’est transformée en krach retentissant. L’écho de ces craquements convoque immanquablement les mauvais souvenirs de la grande crise de 2008, mais les comparaisons s’arrêtent là. Le bulletin de santé du secteur financier inspire davantage confiance ; celui de la coopération internationale, beaucoup moins.
Il y a douze ans, une crise immobilière puis bancaire avait contaminé le reste de l’économie. Le système financier avait failli mourir par asphyxie. A défaut d’être aussi rentables, les banques sont aujourd’hui bien mieux capitalisées, et n’ont plus les problèmes de liquidités au jour le jour qui avaient envoyé nombre d’entre elles dans le mur. Les banques centrales assument pleinement le rôle de prêteur en dernier ressort, et l’on peut douter que les autorités laisseraient aller au tapis un établissement de l’envergure de Lehman Brothers. A l’inverse de 2008, la crainte est aujourd’hui qu’un double choc économique, d’offre et de demande, se transmette au système financier. Du point de vue des investisseurs, le principal agent infectieux a été identifié de longue date : le risque de crédit, mal rémunéré par des marchés en surchauffe qui l’ont laissé proliférer. Les multiples d’endettement n’ont cessé d’enfler, des entreprises de piètre qualité ont trouvé à se financer chez des prêteurs peu regardants, et toutes les alertes passées, comme celle qui avait ébranlé le secteur pétrolier américain en 2015, ont été négligées. Il faut crever la bulle. C’est un test de résistance grandeur nature que vivent désormais les marchés de crédit, dont le manque de liquidité accroît les maux.
Devant ce bouleversement hors du commun, la réponse des autorités brille pour l’heure par sa dispersion. Le choc de septembre 2008 avait accouché en quelques semaines d’une nouvelle instance internationale, le G20, chargée d’élaborer les remèdes anti-crise. Vidées de leur substance par les leaders du moment, les organisations multilatérales ne pourront jouer ce rôle en 2020. L’Opep est à genoux, le G7 a livré un communiqué insipide vite effacé par la baisse de taux surprise de la Réserve fédérale américaine, et la Commission européenne souffre d’une faiblesse institutionnelle évidente. Les dirigeants politiques et les banquiers centraux vont pourtant devoir trouver les clés d’un soutien massif et coordonné, sur le front sanitaire d’abord, sur le front budgétaire ensuite, la politique monétaire ayant pour sa part un rôle plus efficace à jouer avec des mesures ciblées. Il n’est plus temps de tergiverser pour trouver un antidote à la peur.
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