
Repsol relance le débat sur le démantèlement des pétroliers

Sous le feu des critiques pour leurs supposés «surprofits», les pétroliers font face à une autre forme de pression, plus structurelle. Depuis plusieurs années, certains investisseurs poussent TotalEnergies, BP, Shell et consorts à séparer leurs activités historiques de production d’hydrocarbures de celles, nouvelles, dans les énergies renouvelables. L’idée est simple : obtenir une meilleure valorisation de ces entreprises en extrayant leurs activités «vertes» susceptibles de bénéficier de multiples plus élevés. Le géant italien du secteur, Eni, est sur le point de sauter le pas, même s’il a finalement repoussé la mise en Bourse de sa filiale dans les renouvelables, Plenitude, en raison des conditions de marché.
Troisième voie
Dans ce contexte, la décision du pétrolier espagnol Repsol, annoncée le 7 septembre, de céder 25% de ses activités dans l’exploration et la production d’hydrocarbures au fonds EIG pour 4,8 milliards de dollars dette nette comprise interpelle. D’autant plus qu’elle intervient à peine trois mois après l’annonce de la vente d’un quart de son pôle énergie renouvelable à Crédit Agricole Assurances et au fonds Energy Infrastructure Partners. Plutôt que de scinder l’une ou l’autre de ces activités, Repsol opte pour une troisième voie. Il choisit dans un premier temps d’en vendre des parts minoritaires, sans exclure pour autant des mises en Bourse ultérieures. Celles-ci n’auraient toutefois pas lieu avant plusieurs années. Le pôle «Amont» pourrait être concerné «après 2026», et l’option ne devrait pas être mise sur la table au cours des cinq prochaines années pour le renouvelable, selon des propos de Joao Costeira, responsable de l’activité «bas carbone», rapportés par Energy Intelligence en juin dernier. Les liquidités dégagées par ces cessions permettront au groupe d’accélérer ses investissements dans les énergies bas carbone. Sur la période 2021-2025, Repsol prévoit d’y consacrer 35% de ses 19,3 milliards d’euros d’investissements.
Leçon de l’histoire
De leur côté, les mastodontes européens du secteur s’en tiennent, pour le moment, à leur modèle intégré. A l’automne dernier, Shell a opposé une fin de non-recevoir au fonds activiste Third Point qui militait pour une séparation des activités du groupe. Régulièrement interrogé à ce sujet, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, n’a jamais dévié non plus. Une scission ferait sans doute sens d’un point de vue financier, permettant une meilleure allocation des ressources et une amélioration de la valorisation boursière à court terme, mais sa justification industrielle est moins évidente. Les milliards générés par l’exploitation du pétrole et du gaz permettent en effet de financer les investissements dans des énergies renouvelables moins génératrices de cash à ce stade. Ce n’est pas la première fois que des investisseurs poussent les pétroliers à recentrer leurs activités. Il y a dix ans, les métiers en aval de la chaîne de valeur (raffinage, pétrochimie), peu rentables, étaient dans leur viseur. Quelques années plus tard, ce sont ces activités qui permirent à ceux qui les avaient conservées, au premier rang desquels TotalEnergies, de mieux résister à l’effondrement des cours de l’or noir lié à la révolution du pétrole de schiste. Une leçon que Patrick Pouyanné n’a probablement pas oubliée.
Plus d'articles du même thème
-
Le président de BP s’apprête à tirer sa révérence sous la pression d’Elliott
Helge Lund quittera le groupe britannique, vraisemblablement en 2026, dans le cadre d’une transition ordonnée. La recherche d’un successeur est désormais lancée. -
L’Opep et Donald Trump réveillent le spectre d’un pétrole à 60 dollars
Le cours de l’or noir a chuté de plus de 10% en deux jours. Alors que les droits de douane américains risquent de peser sur la demande, le cartel des pays exportateurs a annoncé une hausse surprise de sa production en mai. -
Le gaz naturel sera au centre des négociations sur les droits de douane
Les tarifs commerciaux pourraient être conditionnés aux contrats sur le GNL américain si les pays européens et asiatiques souhaitent en faire un levier de négociation avec les Etats-Unis. La volatilité va rester la règle pendant quelques mois. Au-delà, une croissance de l’offre supérieure à la demande devrait progressivement faire baisser les prix.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions