
Natixis applique un bonus-malus climat à tous ses crédits

La notation verte des activités bancaires n’est plus un vœu pieux. Mis en avant par la Commission européenne dans son plan d’action pour le climat en 2018, le «green supporting factor» est devenu une réalité chez le français Natixis. «La mise en œuvre a débuté la semaine dernière et nous sommes la première banque au monde à piloter activement l’impact environnemental de notre bilan», dévoile à L’Agefi François Riahi, directeur général de Natixis. Il présente ce lundi son innovation à New York, à l’occasion du Sommet Action Climat de l’ONU et du lancement des «Principes pour une Banque Responsable».
Baptisée «green weighting factor» par Natixis, cette notation maison vise à mesurer l’impact des financements octroyés par la banque en termes d'émissions de gaz carbonique, et sur d’autres aspects environnementaux (eau, pollution, déchets, biodiversité). Cette grille est intégrée depuis le 16 septembre dans les processus et systèmes d’octroi de crédits de la filiale cotée du groupe mutualiste BPCE. Avant d’appliquer un filtre vert aux nouveaux prêts, un an et demi de travaux a été nécessaire. D’abord pour mettre au point la méthodologie, avec l’aide de cabinets spécialisés (Groupe Carbone 4, I Care & Consult et Quantis). Puis pour l’appliquer progressivement au portefeuille existant. Le chantier aurait dû être achevé fin 2018. «Nous avons pris le temps nécessaire pour faire ce travail qui a donné lieu à d’intenses discussions entre banquiers et experts», justifie le patron de Natixis.
A ce stade, la banque a classifié 70% des 127 milliards d’euros des crédits inscrits à son bilan, hormis ceux accordés au secteur financier, plus difficiles à flécher. Un quart sont des financements dédiés (projets, immobilier, avions), et le reste des crédits accordés à des entreprises non financières. «Nous avons déjà noté les plus grosses lignes, dans tous les secteurs d’activité. Pour les 30% restants, le travail sera terminé fin 2020», indique François Riahi. Chaque type d’actif ou d’emprunteur fait l’objet de critères spécifiques. Pour une ligne de chemin de fer par exemple, Natixis veut savoir si elle traverse une zone protégée, si elle est utilisée pour du fret ou du transport de personnes ou encore quelle énergie (fossile ou non) propulse la motrice.
Un nouveau modèle interne ?
«Nous avons sept notes : trois vertes, une neutre et trois brunes. En nominal, les financements déjà notés sont verts à 43%, neutres à 19% et bruns à 38%. Lorsqu’on applique une pondération par le risque, le poids des crédits verts et neutres passe à 25% chacun, et celui des bruns à 50%, poursuit le dirigeant. Nous appliquons en effet un bonus de 50% sur les actifs pondérés du risque [RWA] des prêts les plus verts, et un malus de 24% (seulemen, ndlr) sur les plus bruns». Cette pondération ne change pas le montant total des RWA du groupe. «Le bonus-malus est neutre sur notre bilan», reconnaît François Riahi.
«Cela peut sembler contre-intuitif d’accentuer la pondération des crédits verts au lieu de pénaliser plus fortement les crédits bruns, estime Benoît Lallemand, secrétaire général de l’ONG Finance Watch. Pour autant, l’initiative de Natixis est louable. Elle est aussi plus équilibrée que certaines prises de position de l’industrie bancaire européenne qui plaident pour une notation verte unilatérale, sans notation de financements bruns. L’Autorité bancaire européenne a pour mandat d'évaluer la nécessité d’introduire un green et/ou un brown factor dans le cadre des règles prudentielles européennes. Si elle le juge utile, elle devra mettre en place une méthode standardisée ».
La réglementation internationale vise en effet à réduire le recours aux modèles internes des banques pour la pondération des risques bancaires, parfois sujets à caution. Or le green weighting factor de Natixis peut s’apparenter à ce genre de pratique. Certains observateurs craignent aussi que ce type d’outils ait des effets contre-productifs sur le crédit et accroisse le profil de risque des banques en allégeant leurs contraintes en capital. «Nous cherchons à donner notre avis sur une évolution à venir de la réglementation, plaide François Riahi. Tout ne peut pas être parfait aujourd’hui. Il faut faire des choix entre les données scientifiques et nous progresserons au fur et à mesure.»
Pour le moment, Natixis souhaite accompagner ses clients dans leur transition climatique, en leur communiquant leur note… voire en facturant plus cher les futurs crédits bruns. La banque espère aussi partager son outil avec ses pairs et, pourquoi pas, l’appliquer aux financements qui ne rentrent pas dans son bilan en fabriquant des «transition bonds» (obligations de transition). Ces placements financiers seraient moins discriminants que les «green bonds» proposés sur le marché, car notés du vert au brun.
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