
Londres dans le brouillard

On ne l’attendait plus. A treize mois de sa sortie programmée de l’Union européenne, le Royaume-Uni serait enfin prêt à articuler sa vision du Brexit et de la relation particulière qu’il entend entretenir avec ses anciens partenaires. Downing Street aurait même trouvé la martingale. Reprenant à son compte les travaux d’un groupe d’experts, Londres évoque une forme de reconnaissance mutuelle où les deux parties s’accorderaient pour converger vers de grands principes, comme la stabilité financière ou la protection du consommateur. Différent des régimes d’équivalence actuellement applicables aux pays tiers, ce système permettrait à la City de conserver un accès sans entraves au marché européen et, promis juré, éviterait tout dumping réglementaire.
Faute de détails, cette solution miracle est à ce stade aussi limpide que le grand smog de Londres. Elle trahit surtout une vision singulière des rapports de force en Europe. Un passeport ou le chaos, telle semble être la tentation du gouvernement britannique, persuadé que les négociateurs de l’Union se renieront à la dernière seconde afin d'éviter à leur système financier un choc hypothétique. La vigueur des réactions des officiels européens, réitérées cette semaine encore, laisse pourtant peu de place au doute. Le Royaume-Uni ne saurait faire son marché et conserver l’intégralité des droits attachés au passeport pour les services financiers, à l’égal de la Norvège, tout en bénéficiant de l'éloignement et de la liberté du Canada. Sa capacité à négocier un tel accord sur mesure paraît d’autant plus limitée que les Tories se déchirent sur la stratégie à mener et sur l’identité des dirigeants à même de porter leur projet. Le nouvel échec,
mi-février, des partis nord-irlandais à former un gouvernement, dans la région la plus directement touchée par les conséquences du Brexit et par l’inconséquence des positions de Londres, fait écho à la propre fragilité de Theresa May sur la scène politique. Ce dossier, à lui seul, peut mener les discussions dans le fossé : rappelons que Belfast et Dublin attendent toujours les solutions techniques qui permettraient de respecter
les promesses de Downing Street sans casser l’accord du Vendredi saint et sans bâtir une frontière physique entre les deux Irlande.
A supposer que les négociations trouvent une issue heureuse, l’acte de divorce devra encore être approuvé d’ici à la fin de l’année par un Parlement britannique en ébullition. On comprend donc que plus une semaine ne s’écoule sans qu’un superviseur européen n’exhorte les banques, les gestionnaires d’actifs, ou, dans un autre domaine, les compagnies aériennes, à prendre leurs dispositions en vue d’un échec – lequel entraînerait l’absence de période de transition après mars 2019.
Les décideurs économiques ont encore le droit d’espérer le meilleur, mais ils doivent sans tarder se préparer au pire.
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