
L’Europe centrale est contrainte de resserrer davantage ses politiques monétaires

Les banques centrales d’Europe de l’Est ont été les premières à resserrer dès 2021 leur politique monétaire sur le Vieux Continent face à une inflation galopante. La guerre en Ukraine, qui les affecte directement, accentue la pression, les obligeant à intervenir sur le marché des changes et à relever davantage leurs taux directeurs.
En Pologne, la banque centrale (BCP) est déterminée à lutter contre une flambée de l’inflation qui sera alimentée par la guerre en Ukraine, a indiqué Adam Glapinski, son gouverneur, au lendemain d’un nouveau tour de vis monétaire. Mercredi, la BCP a relevé de 75 points de base (pb), à 3,5% son principal taux directeur, un mouvement supérieur aux attentes et aux dernières hausses de la banque.
«Nous sommes toujours dans le cycle de hausse des taux … et nous y resterons. Il est difficile de dire pendant combien de temps», a ajouté le gouverneur de la BCP, affirmant que le pic des taux devrait désormais être supérieur aux 4-4,5% évoqués jusque-là.
La Hongrie continue également de relever ses taux. Elle a relevé, début mars, de 75 points de base, à 5,35%, le taux de dépôt à une semaine, qui lui sert d’outil pour gérer la volatilité sur les taux court terme, soit sa plus forte hausse depuis 2008 quand la banque avait dû le rehausser de 300 pb en pleine crise financière. La banque centrale avait relevé peu avant son principal taux directeur de 50 pb, à 3,4%, et vient d’élargir le corridor de ses taux de 100 pb. Un mouvement qui anticipe de nouvelles hausses.
La banque centrale tchèque a indiqué que ses taux étaient désormais proches du pic mais qu’ils resteraient à des niveaux élevés plus longtemps qu’initialement prévu à cause des contraintes géopolitiques et des conséquences sur les prix de l’énergie. Elle a été jusque-là, l’une des institutions monétaires les plus restrictives avec une hausse de 425 pb depuis juin 2021 de son principal taux directeur à 4,5%, un plus haut depuis 20 ans. Au cours des quatre dernières réunions, ce taux a été relevé de 375 pb. Et il pourrait atteindre 5%.
Inflation de plus de 10%
Le conflit en Ukraine ajoute aux pressions inflationnistes, via la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, déjà élevées dans ces pays. En février, l’inflation a atteint 11,1% sur un an en République tchèque, un plus haut depuis 1998. Ce chiffre pourrait contrecarrer les plans de la banque centrale. En Hongrie, l’inflation a atteint en janvier son niveau le plus haut depuis août 1997, à 8,3% en janvier (8% pour l’inflation core), malgré le plafonnement de certains prix alimentaires et de l’énergie (les élections législatives auront lieu le 3 avril). L’inflation devrait dépasser 10% cette année et pourrait se maintenir au-dessus de 6% en 2023 dans la région.
La BCP a ainsi relevé ses prévisions d’inflation à 9,3%-12,2% en 2022, contre 5,1%-6,5% pour la prévision de novembre dernier et dans le même temps revu en baisse des prévisions de croissance à 3,4-5,3% cette année contre 3,8%-5,9% prévus précédemment. Le renforcement des pressions inflationnistes prend le pas sur la croissance. «La Pologne sera confrontée à une politique budgétaire plus expansionniste et à une politique monétaire plus restrictive. Cela explique pourquoi la BCP est plus préoccupée par l’inflation que par la croissance du PIB», affirment les économistes d’ING. Les banques centrales sont contraintes de poursuivre le resserrement monétaire malgré la détérioration des perspectives de croissance en raison de la guerre, de la hausse des prix et de la baisse des devises.
Monnaies sous pression
Les monnaies sont en effet sous pression et se sont nettement dépréciées en raison des conséquences du conflit en Ukraine sur les économies et sur l’appétit des investisseurs pour les actifs de ces pays. Le zloty polonais a perdu près de 9% face à l’euro depuis le début du conflit le 24 février à un point bas de 4,98 avant de se reprendre à 4,78. La couronne tchèque s’est également dépréciée mais limite sa baisse face à l’euro à moins de 3%, à 25,20. Le forint hongrois a quant à lui atteint un nouveau plus bas historique face à l’euro à 394 en baisse de plus de 8% avant de revenir à 380.
Face à cette situation, qui ajoute aux pressions inflationnistes, les banques centrales de Pologne et de République Tchèque ont dû intervenir sur le marché pour stabiliser leurs devises. La Pologne l’a fait à trois reprises, d’abord seule puis en coordination avec la République Tchèque. La Hongrie n’a pas communiqué sur ces intentions. Les réserves accumulées ces dernières années de forte croissance leur offrent, pour l’heure, un matelas pour défendre leurs devises.
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