
L’Eurogroupe tourne au bras de fer stérile

Malgré 16 heures d’une vidéoconférence qui a duré jusqu’à ce matin, les ministres des Finances de la zone euro ne sont pas parvenus à s’accorder sur une réponse commune aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Le débat a au contraire tourné au combat singulier entre Roberto Gualtieri, le ministre des Finances italien, et son homologue néerlandais, Wopke Hoekstra.
Les deux hommes ont refusé tout compromis sur deux points: la conditionnalité de la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) et le recours à la mutualisation de la dette pour faire face à la crise.
L’Italie a ainsi refusé toute condition à l’ouverture de lignes de crédit du MES, fonds de sauvetage permanent de la zone euro, doté de de 410 milliards d’euros disponibles, soit 3,4% du PIB européen. Les Pays-Bas se sont au contraire arc-boutés sur l’approche en deux temps qu’ils préconisent : octroyer des prêts sans condition, puis imposer des réformes structurelles une fois la crise passée.
Chiffon rouge
Les deux ministres se sont aussi déchirés sur la forme du plan de relance de la zone euro sur le long terme, l’Italie faisant de la mention de la mutualisation de la dette une condition sine qua non de son soutien à la déclaration de l’Eurogroupe alors que cette idée est un chiffon rouge pour les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande ou l’Allemagne.
Cette dernière, représentée par le social-démocrate Olaf Scholz, a toutefois su trouver un compromis avec les pays prônant la mise en place des ‘eurobonds’. Selon une source proche des négociations, l’Allemagne était ainsi prête à ce que l’Eurogroupe fasse mention de la proposition française d’un fonds ad hoc abondé par les Etats membres qui seraient solidaires dans l’émission et le remboursement d’obligations dont les liquidités seraient attribuées aux Etats les plus affectés.
La mention de ce fonds parmi d’autres possibilités aurait renvoyé la décision de l’architecture du plan de relance aux dirigeants des Etats membres et permis de valider les trois mesures d’urgence destinées à mobiliser plus de 500 milliards d’euros.
Outre le MES, qui pourrait prêter 240 milliards, les ministres sont ainsi d’accord pour porter à 240 milliards d’euros la capacité de financement des PME européennes de la Banque européenne d’investissement en se fondant sur un fonds de garantie paneuropéen de 25 milliards d’euros, qui serait soutenu par des contre-garanties des États membres.
Le couple franco-allemand, uni mais dépassé
Les Etats membres ont aussi un accord de principe sur le nouvel instrument proposé par la Commission européenne (CE) la semaine dernière. Baptisé «SURE», il cible le soutien de l’emploi. Concrètement, la CE entend emprunter jusqu’à 100 milliards d’euros pour refinancer les aides nationales au chômage partiel, en se fondant là aussi sur des garanties nationales de 25 milliards d’euros.
Les Etats du Nord du continent demeurent toutefois méfiants et souhaitent obtenir des garanties sur le caractère temporaire de l’instrument. Ils auront l’occasion de faire entendre leur voix plus tard, SURE étant une initiative législative concernant les 27 et nécessitant un accord formel du Conseil.
Les anicroches sur le MES et les eurobonds privent pour l’instant l’Eurogroupe d’avancées sur ces mesures tout aussi urgentes et plus consensuelles. Au coeur des débats interminables, la France et l’Allemagne sont apparues unies dans leur volonté d’avancer vite, mais dépassées par les éléments les plus radicaux des deux blocs d’Etats auxquels elles appartiennent.
Les discussions reprendront demain jeudi à 17h.
Plus d'articles du même thème
-
Washington applique à ses partenaires commerciaux un calcul simpliste
Les Etats-Unis ont annoncé l’application de droits de douane particulièrement élevés contre la plupart des pays du monde. Présentés comme «réciproques», ces «tariffs» découlent en réalité de l’application d’une formule mathématique basique. -
Les marchés voient rouge après les droits de douane de Donald Trump
Le président américain a annoncé mercredi soir l’application de tarifs commerciaux massifs contre plusieurs pays, dont la Chine et l’Union européenne. Les actions chutent de plus de 3% des deux côtés de l'Atlantique. -
Le gaz naturel sera au centre des négociations sur les droits de douane
Les tarifs commerciaux pourraient être conditionnés aux contrats sur le GNL américain si les pays européens et asiatiques souhaitent en faire un levier de négociation avec les Etats-Unis. La volatilité va rester la règle pendant quelques mois. Au-delà, une croissance de l’offre supérieure à la demande devrait progressivement faire baisser les prix.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions