
Les valeurs technologiques plient mais ne rompent pas

A la veille de Thanksgiving, le marché américain a marqué une pause mais la hausse de la volatilité sur les taux continue de mettre au défi les valorisations des titres technologiques. Après avoir atteint un nouveau record en séance lundi, dans la foulée dela reconduction de Jerome Powell à la tête de la Fed, l’indice Nasdaq a ensuite perdu 3,6% avec la hausse des taux américains. Le rendement des emprunts à 10 ans a bondi de 16 points de base en trois jours, à 1,68% mercredi en séance (avant de baisser à 1,65%), revenant ainsi proche de ses plus hauts du mois de mars.
Les investisseurs anticipent une Fed plus restrictive dans les prochains mois. La probabilité d’une première hausse des taux dès juillet ou septembre prochain s’en trouve ainsi renforcée, notamment parce que la rotation des membres votants au comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) va le rendre plus «faucon». Dans le même temps, l’indice S&P 500 a reculé de 1,8%, deux fois moins que le Nasdaq. Les valeurs technologiques, et plus largement de croissance, sont particulièrement vulnérables à la hausse des taux.
Actualisation de cash flow
La méthode de l’actualisation des cash flows a gonflé les valorisations du fait des taux bas, rappelant les excès de la bulle internet de 2000. L’indice Nasdaq capitalise 30 fois les bénéfices anticipés pour 2022 contre 20 fois pour l’indice S&P 500. Une hausse des taux plus marquée aura un impact direct sur les prix de ces actions. Or les stratégistes sur les marchés de taux s’attendent à ce que le rendement des Treasuries 10 ans atteignent 2% au cours des prochains mois. Avec un risque de perte de contrôle des banques centrales sur la courbe des taux. «A un moment les taux vont monter et certains marchés vont prendre l’eau, souligne Pascal Blanqué, responsable des gestions chez Amundi. Et en particulier certains segments de la technologie dont les valorisations ont été gonflées par l’actualisation des cash flows.»
«Une inflation élevée et des politiques monétaires plus restrictives sont les principaux risques pour le marché dans les prochains mois», estime également Xavier Gérard, gérant chez Optigestion pour qui les titres les mieux valorisés, qui sont considérés comme les gagnants de la crise Covid, sont les plus vulnérables à un tel scénario. «Des corrections jusqu’à 30% sont possibles si ce scénario de risque d’une inflation durable entraînant des politiques monétaires plus restrictives était mis en œuvre, vu les niveaux de valorisation actuels», craint ce dernier tout en précisant que décembre pourrait être particulièrement volatil à la faveur des opérations d’habillage de bilan de fin d’année (window dressing) après les bonnes performances réalisées en 2021.
Obsession de la croissance
Des titres comme Zoom Video (-64% depuis les plus hauts) souffrent déjà d’une nouvelle appréciation de la prime de risque par le marché, alors que les perspectives de croissance ne justifient pas les niveaux de valorisation actuels. Après le rebond du marché, Xavier Gérard, qui était investi à hauteur de 95%, a réduit la voilure sur les actions et détient aujourd’hui 17% de cash.
L’obsession du marché pour la croissance dépasse le secteur de la technologie. La dispersion des ratios cours sur bénéfices n’a jamais été aussi élevée depuis 2000 au sein même des différents secteurs. «Les meilleurs acteurs dans les différents secteurs jouissent d’une prime historiquement élevée», observe Romain Boscher, directeur de la gestion actions monde chez Fidelity International. Cette explosion des écarts de valorisation dans les différents secteurs n’est pas tenable dans un monde avec une croissance plus faible, par rapport à 2021, et plus d’inflation. Le gérant s’attend avant tout à un éclatement de cette bulle relative. «Nous anticipons des rotations à l’intérieur des secteurs plutôt qu’une forte correction du marché», explique-t-il. Ce qui justifierait de vendre les leaders de certains secteurs pour d’autres acteurs moins bien valorisés mais avec des fondamentaux toujours solides.
Pour le moment, au-delà de consolidations rapides, la rotation ou l’éclatement des bulles se font attendre. Les investisseurs continuent de chasser les bonnes affaires, l’abondance de liquidité aidant. Avant que les taux ne remontent véritablement.
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