
Les Spac, plus qu’un phénomène de mode

A chaque bulle financière son acronyme. Le CDO, tombé aux oubliettes, avait marqué la crise des subprime en 2007. Aujourd’hui, les investisseurs n’ont plus que les Spac à la bouche. Ces coquilles vides, qui viennent lever des fonds sur les marchés d’actions pour racheter des entreprises non cotées et leur ouvrir ainsi les portes de la Bourse, deviendront-elles le symbole des excès de 2021 ? La question se pose avec une acuité particulière aux régulateurs, toujours soucieux de protéger l’épargnant sans tuer l’innovation dans l’œuf.
Les Spac, qui prospèrent dans les hauts du cycle boursier, existaient depuis trente ans aux marges de Wall Street. Ils s’institutionnalisent désormais, ralliant à leur cause des figures du monde des affaires et d’ex-banquiers de haut vol. On comprend que ces derniers trouvent plus gratifiant de débusquer la prochaine pépite de l’industrie ou de la fintech, eux qui ont passé les dix dernières années à tailler dans les coûts, céder des actifs et souffrir l’inexorable plongeon des valorisations bancaires. L’arrivée de ces grands noms n’est pas une garantie de succès. La concurrence des Spac fera monter les prix, la nécessité de déployer les fonds levés dans les deux ans conduira à des décisions hâtives – acheter la mauvaise cible, au mauvais prix et au mauvais moment. Il y aura des accidents et de la destruction de valeur.
S’il entre dans le phénomène une bonne dose de spéculation et d’effet de mode, son impact sur la structure des marchés cotés doit pourtant être apprécié à sa juste valeur. En court-circuitant le classique processus d’introduction en Bourse, les Spac rendent un vrai service aux sociétés tentées par la cotation. Plus besoin, pour les chefs d’entreprise, de faire pendant des mois la tournée des investisseurs, de verser de coûteuses commissions de conseil et de risquer, le jour venu, qu’un événement imprévu sur lequel ils n’ont aucune prise fasse capoter l’opération : il leur suffit désormais de fusionner avec ces véhicules qui ont fait le travail à leur place. Tout comme la pandémie a permis de gagner cinq ans dans la numérisation et de comprendre l’inutilité d’une partie des voyages d’affaires, l’essor des Spac change l’approche de la Bourse. Leur histoire et leur haute teneur en ingénierie financière les nimbent toujours d’un voile sulfureux ? C’était le cas aussi des fonds activistes il y a encore dix ans, avant que cette pratique n’entre les mœurs.
L’Europe ne peut plus ignorer ce changement. Le manque de profondeur de ses marchés d’actions et l’insuffisance de ses capitaux privés poussent déjà trop d’entreprises de croissance à traverser l’Atlantique. Avec les Spac, Wall Street a une nouvelle occasion d’aspirer dans son orbite les licornes européennes et de tarir le nécessaire renouvellement des indices boursiers du Vieux Continent. Londres, qui cherche à assouplir sa règlementation obsolète, en a compris l’enjeu.
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