Les marchés restent dans le flou sur la trajectoire à venir des taux euros

Ils ne fixent pas facilement le taux neutre, pariant que la BCE aura du mal à assouplir sa politique.
Fabrice Anselmi
BCE banque centrale européenne ECB à Francfort.
Les marchés ont une idée peu précise de la trajectoire du taux directeur de la Banque centrale européenne.  -  Photo ECB.

Les taux en zone euro ont encore grimpé mercredi à des plus hauts depuis mai 2015. Mais cela n’empêche pas les marchés d’avoir une idée peu précise de la trajectoire du taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE). La situation apparaît différente pour la Fed et la Banque d’Angleterre (BoE), ou les prévisionnistes affichent des anticipations plus claires. A la hausse, d’abord, vers respectivement 3,25% et 2,50% jusqu’à 2023, avant un ajustement à la baisse d’au moins 25 points de base (pb) pour faire face au ralentissement économique en 2024.

Depuis que la dernière réunion de politique monétaire a confirmé la fin du programme d’achats d’actifs régulier (APP) le 30 juin, les anticipations des marchés de swaps sur le taux de dépôt de la BCE (-0,50%) ont bien augmenté : avec désormais 2 hausses de 25 pb cette année, au lieu de 0 avant le 10 mars ; et un taux terminal autour de 1% en 2024, au lieu de 0,20%. Mais l’absence de paris sur une baisse des taux démontre une incertitude sur la question de savoir jusqu’où la BCE pourrait aller avant un nouveau resserrement monétaire. «Nous n’avons pas encore décidé quel est le véritable taux terminal pour la BCE», a expliqué à Bloomberg Rohan Khanna, stratégiste taux chez UBS, stigmatisant l’incertitude autour de la politique de la banque centrale.

L’institution de Francfort, qui a augmenté son taux directeur pour la dernière fois en 2011 (à 0,75%) par peur d’une hausse de l’inflation, reste floue sur le sujet. Le 10 mars, elle a indiqué que la hausse des taux débuterait «quelque temps après» l’arrêt des achats d’actifs, ce qui permet de respecter la séquence normale tout en ouvrant à toutes les temporalités, de «la semaine d’après» à «des mois plus tard» a expliqué la présidente Christine Lagarde. Certains, comme Candriam dans le panel Taux de L’Agefi, estiment que la BCE sera contrainte d’augmenter ses taux deux fois cette année tout en poursuivant l’APP pour éviter une fragmentation des conditions financières en zone euro.

Le marché reste incertain quant au taux neutre en zone euro. «Les risques à court terme restent, selon nous, orientés vers de nouvelles ventes d’obligations menées par le ‘front-end’ (les taux courts, ndlr). Le marché essaye d’anticiper que la BCE augmentera son taux d’au moins 50 pb au-dessus du niveau de neutralité en 2023-2024, comme il l’a fait pour la BoE après ses réunions d’octobre et de décembre, et pour la Fed après sa réunion de mars», décrivent les stratégistes de Bank of America (BofA). Selon eux, les marchés de swaps peuvent même compter jusqu’à 15 pb au-dessus de ce dépassement, mais leur scénario central reste celui d’une action de la BCE qui s’arrêterait bien avant (0,75%), de surcroît si elle doit faire face à de nouvelles surprises économiques comme l’inflation à 7,5% en mars. «Si l’inflation revient autour de 2% à terme, après 6,7% en moyenne en 2022 selon nous, il faudra théoriquement ramener les taux à 2% pour sortir des taux réels négatifs, rappelle Michel Martinez, chef économiste Europe de Société Générale CIB. Nous pensons qu’elle remontera le taux de dépôt à 0,50% d’ici un an, et le taux de refinancement à 1%.»

Moins de problèmes de bilan

Alors que les débats autour de la réduction du bilan («quantitative tightening») font rage outre-Atlantique, et peuvent apparaître en Europe pour éviter ou limiter l’aplatissement de la courbe, la BCE ne parle plus des opérations de refinancement ciblé à long terme (TLTRO), que les analystes s’attendaient à voir évoqués en mars, avant la guerre en Ukraine. Avec deux conséquences : d’une part, la fin du taux d’emprunt amélioré à -1% à partir du 30 juin équivaudra de facto à une première hausse de taux (à -0,50%) sur 2.100 milliards d’euros de financements bancaires ; d’autre part, «alors que la Fed a un véritable problème pour réduire la taille de son bilan sans risquer un krach obligataire ou d’importantes pertes sur son actif, la BCE pourrait diminuer d’autant les liquidités bancaires - qui reviennent sur son bilan via les réserves - sans rien faire grâce à l’arrêt de cet instrument spécifique», ajoute Michel Martinez.

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