
Les investisseurs se ruent sur les dettes à 100 ans

L’Autriche aime les émissions de dette à très long terme et les investisseurs en redemandent. Le pays a émis hier son deuxième emprunt sur cette maturité et attiré 16 milliards d’euros de demande pour 2 milliards d’euros placés. Les nouvelles obligations à échéance 30 juin 2120 ont été émises sur la base d’un rendement de 0,88% (coupon de 0,85%). Les banques chefs de file ont pu resserrer de 2 points de base le prix par rapport au secondaire compte tenu de la demande. Il s’agit d’un plus bas historique pour une obligation d’une maturité aussi longue. «La forte demande pour cette émission n’est pas étonnante car il s’agit d’un marché de niche dans lequel les émissions sont rares et de petite taille», relève Antoine Bouvet, stratégiste taux chez ING qui précise que le montant réellement placé sur le marché est de 1,5 milliard d’euros puisque le pays (ou ses banques) en conservent 500 millions.
Très peu d’Etats émettent sur une maturité aussi longue. En Europe, l’Autriche est un émetteur récurrent avec déjà deux émissions (d’autres émissions très longues à 50 et 70 ans). La première réalisée en 2017 a été abondée à plusieurs reprises et le stock s’élève à 6 milliards d’euros. Elle avait été émise avec un coupon de 2,1%. La forte baisse des taux depuis lors, et l’importante duration, a permis à ses détenteurs d’engranger un gain de près de 90% en trois ans. Plus que n’importe quel indice boursier sur la période. Hormis l’Autriche, en Europe, l’Irlande a placé des titres à 100 ans mais dans le cadre de placements privés. La plupart des autres pays présents sur des maturités très longues le font à 30, 40 ou 50 ans. C’est le cas de la France, de l’Italie, de la Belgique et de l’Espagne. Cette dernière a récemment préféré les émissions à 50 ans plutôt qu’à 100 ans. Au total, en Europe, le stock de dette à plus de 50 ans n’est que d’une quarantaine de milliards. Plusieurs pays émergents ont aussi émis des emprunts à 100 ans : Israël, Mexique et Argentine.
Offre réduite pour une demande importante
«Un pays va préférer émettre à 100 ans plutôt qu’à 50 ans en fonction de la demande des investisseurs», explique Antoine Bouvet. Cela réduit aussi son risque de refinancement et permet de profiter de conditions de taux très favorables sur des années. Mais sur des montants réduits. Des investisseurs comme des compagnies d’assurance ou des fonds de pension peuvent avoir intérêt à couvrir le risque de taux sur de longues périodes. Pour les gérants d’actifs, cela permet de réduire le montant investi par rapport à des durées plus faibles avec une duration équivalente. La demande est donc naturellement importante malgré un prix des obligations élevé. En prenant comme référence un PER, comme une action, l’obligation à 100 ans autrichienne serait valorisée 120 fois (sans l’espoir de voir les revenus augmenter puisque le coupon est fixe).
Les émissions à 100 ans devraient rester rares. «A très court terme, les Etats veulent émettre très rapidement pour financer la hausse des déficits publics pour faire face à la crise et privilégient donc les émissions court terme. En début d’année prochaine, si les conditions de marché restent favorables, ils devraient augmenter la maturité moyenne des émissions d’autant que le programme d’achat d’urgence de la BCE durera jusqu’à fin juin», estime Antoine Bouvet.
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