
Les finances publiques en rase campagne

L’intérêt des crises à répétition est qu’elles permettent de s’affranchir ad vitam æternam des règles de bonne gestion. La rémission sanitaire promettait de refermer la parenthèse du quoi qu’il en coûte ; c’était sans compter sur la flambée des prix qui pousse le gouvernement à multiplier les chèques énergie. Dernière mesure en date, la ristourne de 15 centimes sur les prix à la pompe, accordée indifféremment à tous les automobilistes, même aux propriétaires de SUV et de voitures de sport. Un cadeau à 2,5 milliards d’euros qui ferait presque passer l’Etat pour pingre dans un monde où les subventions se comptent désormais en dizaines de milliards. Que les amateurs se rassurent, il reste largement le temps d’ici aux élections législatives pour d’autres libéralités.
Ce nouveau shoot d’argent public permettra d’éviter de débattre du fond : dans ce cas précis, la fiscalité verte et l’accompagnement des ménages les plus exposés à la transition énergétique. Mais de fond, il n’est guère question dans une campagne présidentielle étouffée par la guerre en Ukraine, et où les candidats tirent chacun leur tour des chèques gagés sur les revenus d’une minorité de Français ou sur le patrimoine des générations futures. L’argent magique coule à flots, seuls importent les promesses tonitruantes, les chiffres ronds, les annonces chocs.
Même les réformes qui iraient dans le sens d’une plus grande rigueur budgétaire collent à cette logique d’affichage politique ou comptable, dénuée de toute vision stratégique : ici un report de l’âge de départ à la retraite sans que la solidarité intergénérationnelle soit appréhendée dans sa totalité, là une réduction nette du nombre de fonctionnaires. Aucune réflexion sur le sens de l’action publique, sur les priorités qui imposeront des arbitrages, aucune leçon tirée des dysfonctionnements constatés lors de la gestion du Covid. Quelle que soit leur famille politique, les candidats s’accommodent d’ailleurs fort bien de cette logique du « toujours plus » – de lois, de règles, de dépenses, de l’emprise de l’Etat sur l’économie – qui justifie la perpétuation d’un appareil administratif hypertrophié.
L’actuelle poussée d’inflation a ceci d’avantageux qu’elle permet d’escamoter toute discussion sur l’assainissement des finances publiques. Elle suscite de nouvelles aides au nom de la protection du pouvoir d’achat, mais accroît aussi les recettes fiscales. Mieux, à ce niveau de taux d’intérêt, elle fait mécaniquement baisser le ratio d’endettement rapporté au produit intérieur brut. En relatif, la France pourrait donc passer cette année pour vertueuse, quand bien même sa dette se creuserait et verrait son coût augmenter. Nos voisins européens ne goûteront malheureusement guère cette prouesse comptable au moment où Paris veut les pousser toujours plus loin vers la mutualisation des dettes. Leur vigilance, plus que la modeste hausse des taux attendue en zone euro, exposera le prochain exécutif à un réveil brutal.
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