
Le plan de relance britannique effraie les investisseurs

Le nouveau ministre britannique des Finances, Kwasi Kwarteng, a présenté vendredi comme prévu son Plan Croissance (Growth Plan) avec des réductions d’impôts historiques et d’énormes augmentations des emprunts. De quoi terrasser les marchés avec des obligations d’Etat britanniques (Gilts) en chute libre. Les taux à 2 ans et à 10 ans sont passés respectivement de 3,49% à 3,91% et de 3,45% à 3,84%, tandis que la livre sterling a encore diminué, à 1,108 dollar, au lieu de 1,126 jeudi et 1,37 voici un an…
Sur les taux courts, c’est comme si le Royaume-Uni avait subi deux hausses en deux jours, après le tour de vis de 50 points de base annoncé par la Banque d’Angleterre (BoE) jeudi. La politique monétaire restrictive de la banque centrale se heurte à la politique budgétaire très expansionniste du gouvernement de Liz Truss.
Ce dernier a relevé son programme d’émissions de dette pour l’exercice en cours de 72,4 milliards de livres, au lendemain de la décision de la BoE de rétrocéder aux marchés 80 milliards livres de Gilts sur les douze mois à venir dans le cadre de la réduction de son bilan. Le montant d’emprunts d’Etat supplémentaire à absorber par les investisseurs obligataires dépasse donc 150 milliards, d’où la forte correction en cours sur les taux.
Baisses d’impôt et bonus déplafonnés
Dans le détail, Londres veut consacrer environ 60 milliards de livres à la limitation des factures de gaz et d’électricité des ménages et des entreprises au cours des six prochains mois, a précisé le nouveau Chancelier de l’Echiquier. «L’estimation du coût de nos projets sur l’énergie est particulièrement incertaine en raison de la volatilité des prix de l’énergie mais sur la base des prix récents, le coût total du plan énergie pour les six mois à compter d’octobre devrait être d’environ 60 milliards de livres, a-t-il expliqué au Parlement. Nous prévoyons que ce coût diminuera lorsque nous aurons négocié de nouveaux contrats énergétiques à long terme avec des fournisseurs», a-t-il ajouté.
En parallèle, les réductions d’impôts coûteraient 45 milliards de livres supplémentaires à terme (en 2026-2027), et 27 milliards au cours du prochain exercice fiscal. La hausse de l’impôt sur les sociétés prévue pour 2023 en passant le taux d’IS de 19% à 23% est annulée. Le taux de base de l’impôt sur le revenu sera également ramené de 20% à 19% en avril 2023 – un an plus tôt que prévu – pour 31 millions de personnes, qui recevront en moyenne 170 livres de plus par an par ce moyen. De nouvelles réductions des droits de mutation (stamp duty) doivent aider 200.000 ménages de tous niveaux à accéder chaque année à nouveau au marché immobilier.
Au nom de la compétitivité de la City, les bonus des banquiers ne seront plus soumis au plafond fixé par la réglementation européenne avant le Brexit.
«C’est ainsi que nous réussirons à concurrencer les économies dynamiques du monde entier. C’est ainsi que nous transformerons le cercle vicieux de la stagnation en un cercle vertueux de croissance», a déclaré Kwasi Kwarteng. Le gouvernement vise un taux de croissance tendanciel de 2,5%.
Un pari risqué
Le parti travailliste d’opposition a déclaré que les plans étaient un «pari désespéré». Et l’Institute for Fiscal Studies que les réductions d’impôts étaient les plus importantes depuis le budget de 1972 - dont on se souvient largement comme s'étant terminé par un désastre en raison de son effet inflationniste. La faiblesse de la devise risque effectivement de peser encore davantage sur la hausse des prix importés – le taux d’inflation est déjà proche de 10%.
Malgré ses vastes mesures fiscales et de dépenses, Londres a décidé de ne pas publier les nouvelles prévisions de croissance et d’emprunt de l’Office for Budget Responsibility (OBR), l’organisme de surveillance du gouvernement, avant la présentation du budget officiel, en général en octobre.
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