Le marché des matières premières agricoles est en surchauffe

Presque tous les facteurs poussent les prix à la hausse chacun à leur tour.
Fabrice Anselmi
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Les prix des produits agricoles restent très corrélés au pétrole et au gaz.  -  Photo Couleur/Pixabay

L’inflation progresse partout, à cause de l’énergie mais aussi des produits agricoles, ont rappelé le 28 janvier les 150 participants au 6e Paris Grain Day organisé par le cabinet Agritel. Son indicateur sur la filière grains (céréales et oléagineux) affiche une tendance encore plus haussière pour 2022 que pour 2021 (3,87 au lieu de 3,63 sur 5).

La démographie mondiale, en croissance continue d’environ 1,1% par an (sauf en Europe) à 7,9 milliards d’habitants, constitue un facteur structurel. «La demande ne cesse d’augmenter, notamment sur le blé qui reste la base de l’alimentation même dans des pays qui n’en produisent pas : 2021 a été la première année où les stocks ont baissé malgré une production en hausse», rappelle Sébastien Poncelet, directeur du développement d’Agritel. La production mondiale de céréales avait légèrement progressé selon l’Usda (United States Department of Agriculture) avec les récoltes pour 2021 : 779 millions de tonnes (Mt) pour le blé (+0,4%), 1.207 Mt pour le maïs (+7,5%), 510 Mt pour le riz (+0,6%)… Mais les prix des céréales ont quand même crû globalement d’environ 30% et de 70% pour le colza et le blé dur avec la sécheresse au Canada. Le déséquilibre offre-demande a été exacerbé à la fois par une reprise économique plus forte, qui accentue l’inflation des aliments et pèse sur les pays émergents en retard, et par la Chine, qui a commandé quatre à cinq fois plus de céréales depuis deux ans, en devenant le 1er importateur mondial, afin de reconstituer son cheptel porcin après l’épisode de peste de 2019.

D’autre part, les cours du pétrole et de l’énergie n’ont plus cessé de remonter après le creux du printemps 2020. «Or les prix des produits agricoles restent très corrélés au pétrole et au gaz car, même sans parler du transport, ils sont utilisés dans les biocarburants - ils montent avec la consommation ou la hausse des cours des carburants dans les pays où des arbitrages sont possibles. Pétrole et gaz constituent directement (pour les tracteurs) ou non (pour les engrais) d’importants coûts pour les agriculteurs. Surtout, les dérivés sur les produits agricoles sont le plus souvent investis via des indices Matières premières dans lesquels les contrats à terme pétrole représentent un poids important», poursuit Sébastien Poncelet.

En outre, les récoltes, géographiquement trop concentrées, sont chaque année plus affectées par des problèmes météorologiques. Le phénomène climatique La Niña, habituellement caractérisé par des pluies excessives en novembre-décembre en Asie, semble se répercuter encore en début d’année en sens inverse par des sécheresses en Amérique du Sud (Argentine, Sud du Brésil), où les récoltes de maïs et de soja risquent de souffrir alors que le marché compte dessus pour pallier les tensions sur le blé.

Inflation et géopolitique

Enfin, le conflit entre Russie et Ukraine, deux des plus gros exportateurs de blé et de maïs depuis trois ans, comporte d’importants risques, «tant en termes de restrictions (déjà en place en Russie comme en Chine, ndlr) que de capacités à l’export si jamais la Mer Noire devait être bloquée par les manœuvres militaires. Les contrats sur le blé tendre ont bondi de 263 à 290 euros/tonne sur Euronext entre le 14 et le 25 janvier avant de refluer, pour l’instant, s’inquiète Sébastien Poncelet. Si au-delà des facteurs structurels on pourrait estimer que les prix historiques vont approcher d’un point d’équilibre, presque tous ces facteurs conjoncturels présentent de nouveaux risques de volatilité et de hausse.» Une hausse également soutenue par les dérivés financiers utilisés pour se couvrir sur l’inflation du secteur.

L’alimentation reste un enjeu au cœur des évènements géopolitiques, rappelle aussi la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), dont l’indice des prix, qui avait bondi de 28% en 2021 à un plus haut de dix ans, a repris sa marche en avant en janvier, de 133,7 à 135,7 points (+1,1%), principalement à cause d’une diminution des disponibilités exportables sur les huiles végétales (prix au plus haut jamais enregistré) et les produits laitiers. Parmi les aliments non transformés, le cacao et la viande porcine (moins importée par la Chine) faisaient partie des rares matières premières agricoles à n’avoir pas vu leurs prix monter en 2021, selon le récent rapport de l’institut CyClope qui se veut plutôt optimiste sur une forme de stabilisation des prix en 2022, notamment sur le blé avec la bonne récolte en Australie.

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