
L’affaiblissement de l’euro titille la BCE

Officiellement, la Banque centrale européenne (BCE) ne poursuit pas d’objectif de taux change. Officieusement, la lente glissade de l’euro face au billet vert commence à faire passer les voyants au rouge du côté de Francfort. La monnaie unique, qui s’échangeait à 1,21 dollar il y a un an et à 1,14 avant l’invasion de l’Ukraine, est tombée mercredi à 1,051. La chute s’est accélérée ces derniers jours, ramenant la devise vers des basses eaux qu’elle n’avait plus fréquentées depuis 2017, y compris au début de la pandémie.
« Nous sommes attentifs à la faiblesse de l’euro », reconnaît un proche des discussions au conseil des gouverneurs de la BCE. Et pour cause : la monnaie unique semble filer tout droit vers la parité, ce qui la ramènerait vingt ans en arrière. Cet accès de faiblesse peut constituer une bonne nouvelle pour les entreprises exportatrices de la zone euro. Une bien mauvaise, en revanche, pour les importateurs, en particulier pour une région consommatrice de pétrole et de gaz le plus souvent facturés en dollar.
Divergence monétaire
Conjuguée à la hausse des prix des matières premières, la dépréciation de la devise européenne accroît donc l’inflation importée, ce dont la BCE se serait bien passé. La nouvelle de l’arrêt des livraisons russes de gaz à la Pologne et à la Bulgarie, mercredi, n’arrange rien. « Cette situation exerce une nouvelle pression à la hausse sur les prix du gaz dans la région et exacerbe l’inquiétante combinaison croissance-inflation qui se détériore rapidement depuis le début de l’année », commente Dominic Bunning, responsable de la recherche change en Europe chez HSBC.
La devise a pâti ces dernières semaines des divergences de politiques monétaires. Aux Etats-Unis, les membres de la Réserve fédérale enchaînent les discours agressifs pour lutter contre l’inflation. Le marché anticipe trois hausses de taux d’au moins 50 points de base lors des trois prochaines réunions de la Fed en mai, juin et juillet, et les gouverneurs les plus « faucons » ont même testé l’idée d’un tour de vis de 75 points de base.
Lors de sa dernière réunion, mi-avril, la BCE a paru au contraire jouer la montre. Même si les derniers discours des banquiers centraux européens se veulent plus durs face à l’inflation, il est encore question de « normalisation » et non de resserrement, avec comme première étape la mise en sommeil de l’asset purchase programme (APP), le programme régulier d’achats d’actifs. « Au conseil de juin, la BCE discutera de la date d’arrêt des achats nets de son programme APP, et du calendrier, ou pas, d’une remontée du taux de dépôt », rappelle la source proche de la banque centrale. Cette divergence se traduit par des écarts de taux courts nettement favorables du dollar. Les taux à 1 mois anticipés dans un an, tels que mesurés par les marchés de swaps, atteignent environ 3% aux Etats-Unis contre 1% en zone euro.
A ces différentiels de taux d’intérêt s’ajoutent, donc, la situation géopolitique et les perspectives d’atterrissage plus ou moins brutal des grandes économies. « Ces derniers jours, avec les craintes pour la croissance chinoise en raison des confinements, l’effet valeur refuge du dollar a clairement joué », poursuit cette source.
La monnaie unique ne se porte pas si mal si on la compare aux devises des principaux partenaires économiques de la zone euro. Le taux de change effectif de l’euro, un indice pondéré par les échanges que la BCE calcule chaque jour, a reculé de 122 à 117 points en un an, tout en restant supérieur à son niveau moyen des dix dernières années. Mais c’est bien l’effet dollar qui peut jouer sur les prix de l’énergie importée. Pour l’heure, les cambistes ne voient rien qui puisse inverser la tendance. « Nous avons du mal à trouver des raisons d’acheter l’euro dans les prochaines semaines », estime Dominic Bunning chez HSBC.
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