
La Russie torpille les Bourses mondiales

Lundi, le risque d’un conflit militaire en Ukraine a pris le relais des tensions sur les taux pour envoyer à nouveau les marchés actions au tapis et la volatilité à un plus haut depuis 2020. En Europe,l’indice Euro Stoxx 50 a dégringolé de 4,1%. Le CAC 40 a chuté de 4% tandis que le Dax 40 cédait 3,8%. Wall Street a poursuivi sa correction. Ce mouvement prenait des allures de capitulation dans des volumes très importants notamment sur les principaux ETF d’indices américains. Le bond de la volatilité à des niveaux inconnus depuis 2020 illustrait l’état de panique dans le marché. L’indice VIX de volatilité a grimpé jusqu’à 39% (+11 points). Les investisseurs cherchaient à basculer vers des actifs plus liquides provoquant un nouvel aplatissement de la courbe des taux américains, à un plus bas depuis fin 2020.
L’Otan a placé lundi ses forces en état d’alerte et décidé d’envoyer des renforts en Europe de l’Est. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé l'évacuation d’Ukraine d’une partie de leur personnel diplomatique face à la menace jugée «croissante» d’une invasion du pays par la Russie.
Les tensions se sont aggravées ces derniers mois face au déploiement par la Russie d’environ 100.000 soldats aux frontières du pays, faisant craindre une invasion russe. Moscou, qui attend une réponse écrite à ses demandes de garanties, notamment concernant l’arrêt de l’expansion de l’Otan vers l’Est, a accusé lundi les Etats-Unis et leurs alliés d’aggraver les tensions.
Malgré plusieurs cycles de discussions entre la Russie et les puissances occidentales pour tenter de résoudre la crise, la situation semble dans l’impasse.
«Le risque d’un conflit direct est peu probable et la Russie l’a bien compris», relève Thierry Apoteker, président chez TAC Economics, qui note néanmoins qu’un tel scénario catastrophe ne peut être totalement exclu. Même s’il n’y a pas d’intervention directe des Occidentaux, leur réaction indirecte, notamment par le biais de nouvelles sanctions à l’égard de la Russie, aura un impact sur les marchés.
Prix de l’énergie
«Une des principales questions est celle de l’impact sur les prix de l’énergie, poursuit l’économiste de TAC Economics. Le risque d’avoir des prix de l’énergie durablement élevés dans le contexte inflationniste actuel est significatif.» Ce dernier compare la situation actuelle à celle du premier choc pétrolier : celui-ci était intervenu sur fond de tensions inflationnistes déjà à l’œuvre, comme aujourd’hui, avec l’impact des goulots d’étranglements dans la chaîne d’approvisionnement ou les tensions sur le marché du travail aux Etats-Unis. «Une intervention de la Russie renforcerait les anticipations de choc inflationniste», affirme Thierry Apoteker. Et donc de durcissement plus rapide des politiques monétaires avec un ajustement sur les marchés financiers.
Pour l’Europe, le principal risque à court terme reste bien que la Russie joue avec le robinet de ses gazoducs. Lundi, les prix du gaz naturel européen (contrat TTF 1 mois à Rotterdam) ont grimpé jusqu’à 94,85 euros/MWh, avant de revenir à 92 euros/MWh. Les analystes de Goldman Sachs ont déclaré que les exportations de gaz russe vers l’Europe pourraient être arrêtées indéfiniment si les tensions devaient se concrétiser par des sanctions, comme un report de l’entrée en fonctionnement, prévue cet été, du pipeline Nord Stream 2.
Pour Thierry Apoteker, les tensions en Ukraine ont un impact sur l’ensemble des actifs émergents. «Même si l’Ukraine est un cas particulier, il y a un vrai risque de contagion». Cela renforce l’aversion pour le risque à un moment où la classe d’actifs est affectée par le resserrement monétaire américain et par le ralentissement de la croissance. «L’écart de croissance entre les pays émergents et développés est à un plus bas historique», souligne Thierry Apoteker.
Actifs russes
Un des marchés directement affectés est la Russie. La Banque centrale russe (CBR) a dû intervenir lundi en annonçant la suspension de l’achat de devises étrangères, après un plongeon des indices boursiers locaux et du cours du rouble. Se voulant rassurante, elle a affirmé disposer de «suffisamment d’outils pour prévenir les menaces à la stabilité financière».
Dans le sillage de la baisse entamée il y a deux semaines, l’indice principal de la Bourse de Moscou, le RTS (en dollars) a plongé de 9% à la mi-journée, et 8% en fin de journée. Il abandonne 20% depuis début janvier. L’indice Moex, en roubles, a chuté de 5%, portant à 15% sa baisse en 2022.
La devise russe a par ailleurs dévissé, brièvement à 79,5 roubles/dollar, avant de refluer à 78,8 roubles/dollar. Depuis début janvier, le rouble a perdu 7% face au dollar et 6% face à l’euro. Habituellement, son cours est très corrélé aux marchés du gaz naturel et du pétrole, et diminue après les achats en gaz russe de l’hiver. «Mais ce n’est plus le cas depuis décembre avec la montée des risques géopolitiques : le rouble aurait dû s’apprécier davantage pour revenir vers 70 par dollar normalement, et ce d’autant que la CBR a relevé significativement ses taux jusqu’à 8,50% en décembre pour lutter contre l’inflation, analyse Nordine Naam, stratégiste forex de Natixis. L’évolution dépendra des négociations : l’absence d’accord peut le faire corriger bien plus.»
Pour l’équipe de Deutsche Bank, «cette désescalade diplomatique devient moins probable (…). Les tensions élevées devraient persister, sans aucun accord ferme, mais en continuant d’insister sur la préférence aux voies diplomatiques, ce qui maintiendrait probablement la prime de risque sur les actifs russes élevée et le dollar-rouble dans une fourchette de 75-78.»
Même une solution dans la crise actuelle ne serait que temporaire. «Pour la Russie, la seule façon d’exister dans la partie stratégique à trois qui se joue avec la Chine et les Etats-Unis est de jouer le rôle de force de déstabilisation permanente», analyse Thierry Apoteker. Les Pays Baltes pourraient constituer la prochaine cible. Avec pour les marchés une nouvelle source de volatilité.
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