La place de Paris déroule le tapis rouge à la French Tech

Droits de vote multiple, allégement des contraintes, marché réservé... Europlace veut éviter que la Bourse de Paris ne se fasse voler ses licornes.
Olivier Pinaud
Europlace, Place de Paris, Bourse de Paris / Europlace, l'association de promotion de la Place de Paris.
Europlace, l'association de promotion de la Place de Paris.  -  Crédit Europlace.

Malgré le renouveau des introductions en Bourse (IPO) depuis le début de l’année (Believe, Aramis, Spartoo, HDF…) et de nombreux projets annoncés ou attendus (OVHcloud, Colis Privé, GreenYellow…), la place de Paris pense pouvoir faire mieux. Surtout au moment où une vingtaine de jeunes entreprises issues de l’univers de la French Tech pourraient choisir la Bourse dans les prochains mois pour financer leur croissance. « Il est important pour la Place que ces 20 à 30 licornes (start-up de plus d’un milliard d’euros de valeur, ndlr) viennent se coter à Paris », explique Philippe Henry, ancien banquier de HSBC et membre d’Europlace, l’association de promotion de la place de Paris, à l’occasion de la présentation mardi d’un rapport sur l’attractivité des introductions en Bourse à Paris.

Motiver les investisseurs

Le premier poste d’amélioration concerne les investisseurs, parfois pas suffisamment engagés dans ce type d’opération, notamment lorsqu’il s’agit de société de technologie dont les modèles économiques et les valorisations sont moins bien compris. La difficile IPO de Believe, premier groupe de la French Tech à se frotter à la Bourse, s’explique en partie par le manque d’appui des investisseurs, même si le Fonds stratégique de participations (FSP) des assureurs s’était engagé à participer à l’IPO.

Europlace propose de « développer avec force une base domestique d’investisseurs ayant la capacité d’agir en tant que cornerstone, (investisseur qui s’engage en amont à acheter une part des actions mises en vente par la société, ndlr) ainsi que les fonds crossover (capables d’investir en non-coté et en coté, ndlr), y compris parmi ceux labellisés Tibi ». Ce label est accordé à des fonds qui se sont engagés, à l’initiative du ministère de l’Economie, à mobiliser 6 milliards d’euros pour les entreprises de technologie d’ici à fin 2022. Europlace propose d’« encourager dans les cahiers des charges du label Tibi la mention de conditions d’engagement plus précises en termes de préanalyse des dossiers d’entreprises de croissance, en amont de leurs opérations pour les IPO de la Place ».

Autre proposition pour les investisseurs : « encourager le développement de fonds IPO par les sociétés de gestion françaises et la création de fonction de screening des opérations primaires (émissions d’actions, ndlr), afin de permettre aux sociétés de gestion françaises de participer plus activement ». « Favoriser encore davantage, via l’assurance-vie et l’épargne salariale, l’investissement en unités de compte dans des fonds actions, en développant les fonds dédiés aux Tech et aux sociétés vertes européennes », renforcerait également la capacité de participation des investisseurs aux IPO.

Donner envie aux licornes

Mais le dynamisme des introductions en Bourse n’est pas qu’une question de demande. Il faut aussi donner envie aux entreprises d’aller en Bourse, reconnait Europlace. Et donc la rendre plus attirante. L’association propose ainsi d’« étudier la mise en œuvre d’un nouveau segment de marché regroupant les sociétés de croissance, notamment des secteurs des nouvelles technologies et de la transition énergétique, capables de mettre en œuvre les meilleurs standards en matière de liquidité, transparence et gouvernance, sur le modèle du Segment Star de Borsa Italiana », qui vient justement d’être rachetée par Euronext. La Bourse de Paris dispose d’un segment réservé aux sociétés de croissance, avec Euronext Growth, mais celui-ci, à la différence du Star, est non réglementé, ce qui peut refroidir certains investisseurs d’y opérer.

Europlace reconnait aussi qu’il est nécessaire de « relancer la recherche actions pour les sociétés cotées de toutes tailles, outil clé de liquidité dans la durée, en s’alignant sur les pratiques de financement de la recherche des places financières non européennes ». La révision en cours de la directive MIF 2, qui a chamboulé le métier de recherche actions en le découplant des activités de trading, est une occasion à saisir, estime Europlace. Pour « accroître la liquidité sur le segment des petites et moyennes capitalisations de croissance », le lobby recommande de promouvoir « le rôle des contrats de liquidité en prenant en compte la position réaffirmée de l’AMF sur ce dispositif éminemment utile » malgré les réticences du régulateur européen des marchés financiers (Esma).

Droits de vote multiple

Deux autres pistes avancées par Europlace feront probablement débat. Elle pousse pour une « initiative européenne de type Small Business Act afin d’alléger les obligations incombant aux petites entreprises, cotées ou non, notamment en matière de composition du conseil d’administration et de publication d’informations portant sur les rémunérations », ce qui reviendrait à affaiblir les règles actuelles du say on pay qui permet aux actionnaires de se prononcer sur les rémunération des dirigeants.

Europlace ouvre également le débat sur l’autorisation des actions de préférence avec droits de vote multiple pour les sociétés cotées, un régime qui permet aux fondateurs de conserver le contrôle de leur entreprise même après une cession majoritaire du capital en Bourse, mécanisme utilisé par quasiment toutes les entreprises américaines de technologie qui se cotent. Les Pays-Bas autorisent eux aussi ce système. Dernièrement, Londres a également accepté que des sociétés à droits de vote multiple puissent accéder au marché premium de la Bourse. Même si ce régime ne fait pas l’unanimité chez les investisseurs, car il bride leurs droits, Europlace a constaté « une forte demande des dirigeants d’entreprise de croissance à ce sujet », indique Philippe Henry. La loi Pacte permet ces droits de vote multiple, sauf pour les entreprises cotées. La réforme proposée par Europlace ne concernerait que les entreprises de croissance. « Il faut que le cadre juridique ou fiscal s’adapte à ces entreprises le temps dont elles ont besoin pour se développer. C’est essentiel si nous voulons financer la 4e révolution industrielle », insiste Philippe Henry.

Des groupes de travail thématiques se réuniront dès septembre pour avancer sur les sujets jugés les plus prioritaires. Europlace a déjà saisi le Haut comité juridique de la place de Paris pour travailler sur la question des droits de vote multiple.

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