
La crise russe jette une ombre sur les marchés chinois

Les marchés chinois, qui avaient semblé dans un premier temps éloignés du chaos provoqué par l’invasion de l’Ukraine, ne sont plus immunisés. Depuis le début du conflit, les actions chinoises ont corrigé. Si la Bourse de Shanghai limite sa baisse (-5% depuis le 24 février, date du début des hostilités), celle de Shenzhen a accentué son repli ces deux dernières semaines (-8%) portant à 16% ses pertes depuis le début de l’année. Tandis qu’à Hong Kong, l’indice Hang Seng abandonne 13% depuis le 24 février et désormais 21% depuis son pic de novembre dernier.
La défiance s’installe chez les investisseurs étrangers qui s’interrogent sur le soutien de la Chine à la Russie et s’inquiètent des sanctions potentielles que pourrait subir Pékin. L’ajout vendredi de cinq sociétés chinoises à la liste des entreprises dont les certificats (American depositary receipts, ADR) pourraient être retirés de la cotation à New York si elles ne respectent pas les règles d’audit sonne comme un avertissement (lire ci-après). L’indice des ADR chinois cotés à Wall Street a déjà perdu 70% depuis son pic.
Fuite des investisseurs
La crainte des investisseurs transparaît dans les sorties du marché action à Hong Kong qui n’avaient pas été aussi élevées depuis mars 2020, à 5,6 milliards de dollars. La Chine a une réelle incitation économique à aider la Russie mais elle doit faire attention à ne pas franchir la ligne jaune des sanctions occidentales, relèvent les économistes de Natixis. Au risque de se voir à son tour pénalisée. «A ce stade, nous n’avons pas vu de déclarations de la Chine ou de ses banques concernant leur volonté de s’engager pour aider la Russie à se financer en dollars ou en euros», notent les économistes de l’Institute of International Finance (IIF).
Le risque est toutefois pris au sérieux par les investisseurs d’autant que le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine ont signé un accord de coopération sans limite quelques semaines avant l’invasion. Les entreprises chinoises pourraient être sanctionnées si elles acquièrent des actifs russes dans l’énergie ou les matières premières, notamment. La Chine est également dépendante du financement en dollar et de l’accès à certaines technologies. Les stratégistes de Morgan Stanley s’attendent à une baisse de plus de 20% cette année comme en 2021.
Relance de l’économie
Le conflit ukrainien et la question des sanctions surgissent à un moment où la Chine cherche à relancer son économie . Celle-ci a subi en 2021 les conséquences de la politique zéro-Covid, les coups de semonce réglementaires, notamment dans le secteur en forte croissance de la technologie, et l’impact de la politique de désendettement sur le secteur immobilier. Les investisseurs, nourrissant l’espoir d’une relance monétaire et budgétaireétaient revenus sur les actifs chinois, mais le mouvement récent leur rappelle que l’héritage de 2021 est lourd.
L’un des stigmates les plus visibles est celui des difficultés du secteur immobilier. La restructuration des promoteurs chinois semble plus compliquée pour Pékin qui cherche toujours à éviter l’effet d’une contagion. Mais la nouvelle chute des obligations du secteur, qui représentent plus de la moitié du segment high yield chinois en dollar, montre que la crainte des investisseurs ne s’est jamais évaporée. Le compartiment affiche à nouveau un rendement moyen supérieur à 25% comme au moment du pic des inquiétudes sur China Evergrande et sur un risque de contagion à l’ensemble de l’économie chinoise.
Par ailleurs, la résurgence de l’épidémie de Covid, avec un nombre record de cas depuis mars 2020, risque de peser sur une consommation chinoise qui peine à repartir depuis le début de la pandémie. Dimanche, les autorités ont décidé le confinement des 17 millions d’habitants de Shenzhen.
Risque sur les obligations
Même le marché des emprunts d’Etat chinois est affecté par un début de retrait des investisseurs. Le rendement de l’emprunt à 10 ans, qui avait atteint un plus bas de 2,67% début janvier 2022, a depuis repris 20 points de base (pb). La dette chinoise est victime de son succès. Pour les investisseurs sur les marchés émergents, la dette chinoise est une source de liquidité quand il y a des rachats, comme actuellement, soulignent les stratégistes de Goldman Sachs. Elle est l’un des principaux composants du JPMorgan GBI-EM, le benchmark le plus utilisé, et elle est devenue une ligne importante dans les portefeuilles des investisseurs depuis l’ouverture du marché et l’inclusion dans les indices.
Si les rachats se poursuivent dans les fonds de dette émergente, alors que les gérants ne peuvent vendre leurs dettes russes, cela va peser sur les obligations gouvernementales chinoises. D’autant que les investisseurs sont très surpondérés sur la dette chinoise après s’être rués sur la classe d’actifs et avoir profité de bonnes performances, affirme Goldman Sachs.
Or le marché semble capituler, selon les stratégistes de Bank of America qui relèvent 3,5 milliards de dollars de sorties hebdomadaires, au plus haut depuis mars 2020. Pour la Chine, ces flux sortants arrivent sans doute au pire moment, alors qu’elle souhaite augmenter ses émissions de dette gouvernementale pour relancer son économie.
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