
La Bourse succombe au charme du trio Niel-Pigasse-Zouari

Il s’était donné jusqu’au 7 décembre. Mais il est fort probable que le trio Niel-Pigasse-Zouari décide de fermer plus tôt que prévu la période de souscription à leur special purpose acquisition company (Spac), 2MX Organic. Ouvert lundi, le livre d’ordres tenu par Deutsche Bank et la Société Générale est déjà entièrement couvert, a appris L’Agefi. La jauge de 250 millions d’euros a été atteinte en moins de 48 heures. Mercredi soir, 2MX Organic n'était plus très loin de la barre maximale fixée à 300 millions d’euros.
Les investisseurs ont été rapidement convaincus par le discours des trois promoteurs du Spac qui prévoient d’utiliser les fonds levés pour acheter une entreprise du secteur de l’alimentation ou des produits de consommation responsables d’une valeur pouvant monter entre 1,5 et 2 milliards d’euros, grâce à l’effet de levier de la dette.
Une fois cette première acquisition réalisée, probablement dans le courant du premier semestre 2021, elle servirait de base pour intégrer d’autres sociétés. 2MX Organic pourrait alors lever de nouveaux capitaux si nécessaire.
Une affaire de personnes
Plusieurs éléments expliquent ce succès éclair. Xavier Niel, le premier actionnaire d’Iliad, et Matthieu Pigasse, l’ex-banquier de Lazard aujourd’hui chez Centerview Partners, n’en sont pas à leur coup d’essai. Les deux hommes ont lancé le premier Spac français en 2016, Mediawan, avec Pierre-Antoine Capton, pour investir dans la production audiovisuelle. Une première expérience qui a familiarisé le marché, et son régulateur, l’AMF, à ce type d’instruments financiers, très courants aux Etats-Unis mais encore relativement rares en Europe.
La force de persuasion et les réussites de Xavier Niel ont également joué. «Dans le private equity et l’acquisition d’entreprises, la capacité à regarder les meilleurs dossiers est capitale. Xavier Niel, qui a développé une activité d’investisseur ces dernières années à titre privé, a cette qualité», souligne Sébastien Barbe, président du directoire d’Arkéa IS, dont la société de gestion Schelcher Prince avait été l’un des plus gros actionnaires de Mediawan. Elle a décidé de replonger chez 2MX.
Selon plusieurs investisseurs qui ont participé à des rendez-vous de présentation en visio ces derniers jours, la personnalité et l’expérience de Moez-Alexandre Zouari dans le secteur de la distribution ont également fortement contribué à crédibiliser le projet. Premier franchisé de magasins Monoprix et Franprix, le groupe Zouari est devenu l’an dernier l’actionnaire opérateur de Picard, dont il a su accélérer la croissance ces derniers mois, certes bien aidé par l’effet Covid-19. Au premier semestre de l’exercice 2020-2021 (période avril-septembre 2020), le chiffre d’affaires de Picard a augmenté de 20% à 737 millions d’euros et l’Ebitda s’est amélioré de 39% à 126 millions. Moez-Alexandre Zouari s’est engagé à consacrer la moitié de son temps professionnel à 2MX.
Des fans déçus
Malgré ces attraits, certains fans de la première heure du Spac Mediawan ne sont pas prêts à récidiver avec 2MX. C’est le cas de Cyril Charlot, associé-fondateur de Sycomore AM, qui a été l’un des plus grands actionnaires de Mediawan dès la création du Spac, avec plus de 17% du capital. «Nous aurions volontiers participé à ce deuxième Spac si la rémunération de ses promoteurs avait été mieux alignée avec les intérêts des investisseurs», explique Cyril Charlot à L’Agefi.
Selon le principe classique des Spac, les trois promoteurs de 2MX recevront des actions de fondateurs qui leur permettront de toucher environ 20% du capital de la société au moment de sa première acquisition. Une rémunération qui s’apparente à celle pratiquée dans l’univers du private equity mais que certains investisseurs aimeraient voir un peu plus alignée sur la performance boursière du Spac.
Entre la création de Mediawan en 2016 et son retrait de la cote obligatoire mené tout récemment avec l’appui de KKR, le cours du Spac n’a progressé que de 20%, procurant aux actionnaires initiaux un retour sur investissement largement inférieur à la rémunération des fondateurs. Sans compter, comme le rappelle Cyril Charlot, que les investisseurs ne pourront pas profiter de la création de valeur potentielle de Mediawan sur le long terme en raison de l’offre de retrait obligatoire, ce qui, selon lui, a rompu le contrat de confiance.
Pour répondre à ces critiques fréquentes sur la faible implication financière des dirigeants de Spac, 2MX propose un engagement renforcé de son promoteur-dirigeant. Moez-Alexandre Zouari s’est engagé à souscrire à hauteur de 30 millions d’euros dans la levée de fonds.
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