
La BCE réserve deux nouveautés dans ses programmes de liquidité

La Banque centrale européenne (BCE) a donc laissé ses taux d’intérêt et le montant de ses achats d’actifs inchangés jeudi, après l’adoption de nombreuses mesures en mars face à la crise «sans précédent» du coronavirus. Mais sa présidente, Christine Lagarde, a confirmé que l’institution restait ouverte à toutes les possibilités, avec une «grande flexibilité» pour continuer à soutenir l’économie, et a annoncé deux nouveautés.
Premièrement, le Conseil des gouverneurs a encore assoupli les conditions de ses opérations ciblées de refinancement à long terme (TLTRO 3), décidant d’en réduire le taux entre le 24 juin 2020 (TLTRO 3.4) et le 23 juin 2021, ce taux d’emprunt passant à 50 pb (au lieu de 25 pb) au-dessous du taux prévu pour chaque établissement, sachant que celui-ci se situe entre le taux moyen des opérations principales de refinancement de l’Eurosystème (MRO actuellement à 0%) et le taux moyen de dépôt (-0,50%) sur la période, selon les efforts de la banque en matière de crédits.
Pour celles qui démontreront leurs efforts sur cette période d’évaluation - désormais entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2021 - ce taux atteindra souvent -1%. «Sauf crise qui paralyserait tous les crédits, il devient a priori de plus en plus facile de satisfaire aux conditions pour le taux le plus bas. Cela devrait désormais annuler (largement) le coût des taux de dépôts négatifs, déjà diminué par le dispositif de ‘tiering’ pour les banques», estime Frederik Ducrozet, stratégiste de Pictet WM, rappelant que le potentiel de financement des TLTRO 3 se monte à 2.900 milliards d’euros.
Filet de sécurité
Deuxièmement, et c’est la grosse nouveauté, la BCE lance une nouvelle série de 7 opérations non ciblées de refinancement à long terme d’urgence pandémique (PELTRO), «pour soutenir les conditions de liquidité dans le système financier de la zone euro et contribuer à préserver le bon fonctionnement des marchés monétaires en fournissant un filet de sécurité efficace en matière de liquidité». Ces opérations débuteront le 19 mai 2020 et arriveront à échéance selon une séquence échelonnée, liée à des maturités dégressives entre 16 mois pour la première et 8 mois pour la dernière, soit entre juillet et septembre 2021. Comme pour le TLTRO 3, les contreparties participant aux PELTRO pourront bénéficier des mesures d’assouplissement des garanties mises en place jusqu'à fin septembre 2021 annoncées les 7 avril et 23 avril, et qui permettent notamment d’apporter en collatéral des dettes publiques ou privées dégradées ou notées «high yield» après le 7 avril.
Et comme les LTRO non ciblées mise en place depuis mars, elles seront proposées à un taux d’emprunt fixe inférieur de 25 pb au taux moyen des opérations principales de refinancement MRO (actuellement 0%) pendant la durée de chaque PELTRO, a priori à -0,25%. «Cela paraît clairement moins attractif que les TLTRO 3, mais ces PELTRO n’étant pas ciblées et conditionnées, les banques pourraient en théorie les utiliser à d’autres fins, y compris des opérations de ‘carry trade’», note Frederik Ducrozet. Christine Lagarde n’a d’ailleurs pas exclu que ce programme puisse ensuite être ouvert à des acteurs non bancaires.
Les tensions perdurent sur la dette italienne
Lors de la conférence de presse, beaucoup de questions ont tourné autour de l’élargissement des programmes d’achats (APP, PSPP, CSPP, PEPP) aux titres notés «high yield» - possible mais pas encore vraiment «débattu» – et du recours à l’OMT (Outright Monetary Transactions) pour un pays qui ferait appel aux nouvelles lignes de crédit ECCL aux conditions provisoirement allégées du Mécanisme européen de stabilité (MES). La présidente de la BCE a répondu que, face à une épidémie qui induit une crise économique assez homogène à toute la zone euro, le programme d’achats d’urgence PEPP, dont la taille et la durée pourraient être ajustées si nécessaire lors de la réunion du 4 juin, apportait une réponse plus «symétrique» et donc adéquate.
Ces sujets concernant particulièrement l’Italie, les rendements des BTP à 10 ans, qui avaient connu un pic à 1,84% jeudi matin avant de chuter à 1,68% à la publication du communiqué de politique monétaire, sont remontés jusqu’à 1,80% en fin de la conférence de presse, alors que les rendements du Bund (-0,57%) et de l’OAT (-0,10%) se repliaient, malgré une nouvelle affirmation que «la BCE ne tolérera pas de risque de fragmentation»…
Plus d'articles du même thème
-
EXCLUSIF
Les gestionnaires de taux contiennent leur panique
Les prévisionnistes de L’Agefi tendent à ajouter une baisse de taux à six mois tout en diminuant leurs prévisions pour les taux longs aux Etats-Unis et en augmentant celles sur la zone euro. -
La Banque d’Australie passe un tour
Malgré une inflation en forte baisse, la banque centrale australienne reste prudente, en raison d’un marché de l’emploi vigoureux et d’une situation internationale incertaine. -
La désinflation se poursuit en zone euro
La diminution de la hausse des prix dans les services et une convergence plus générale entre les pays apparaissent comme un nouvel encouragement en faveur d’une septième baisse des taux de la Banque centrale européenne en avril.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions