En Chine, la nécessaire relance se fait attendre

L’objectif de croissance du PIB de 5 % que Pékin a fixé pour 2023 sera difficile à atteindre sans mesures de relance, mais rien n’a été annoncé. L’analyse d’Alicia Garcia Herrero, chef économiste Asie-Pacifique de Natixis.
Alicia Garcia Herrero
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La Chine a publié le 17 juillet les données de son produit intérieur brut (PIB) pour le deuxième trimestre, avec un chiffre important mais décevant : une croissance de 6,3% en glissement annuel. Cette déception tient à l’effet de base extrêmement positif, puisque la croissance du PIB au deuxième trimestre de l’année dernière était pratiquement nulle en raison des graves blocages qui ont eu lieu à Shanghai et dans d’autres parties du pays.

La faible croissance du deuxième trimestre n’a rien à voir avec l’absence de demande extérieure. Si les exportations ont clairement souffert en juin, elles ont plutôt bien résisté en avril et en mai. D’après les données de juin, la demande extérieure deviendra un problème beaucoup plus important au cours du second semestre 2023. Toutefois, la principale raison de ce mauvais deuxième trimestre réside dans la morosité de la demande intérieure. C’est notamment le cas de l’investissement, tiré vers le bas par le secteur immobilier, mais aussi de la consommation. Les ventes au détail ont encore moins progressé en juin qu’en mars et la propension à consommer reste plus faible qu’avant le début de la pandémie.

L’objectif de croissance du PIB de 5% que le gouvernement chinois a fixé pour 2023 lors des deux sessions de mars dernier sera donc difficile à atteindre sans mesures de relance. Ironie de l’histoire, ce niveau de 5% était généralement considéré comme un objectif trop faible pour une économie qui se rouvrait après trois années de politiques zéro-Covid. Mais le nouveau Premier ministre chinois Li Qiang avait déjà prévenu lors de la conférence de presse de mars dernier que l’objectif de croissance du PIB pour 2023 serait difficile à atteindre, et c’est ce qui s’est passé.

Un risque de trappe à liquidités

Dans ce contexte, la Banque populaire de Chine a continué à desserrer les conditions monétaires au deuxième trimestre, mais l’assouplissement des conditions financières n’a pas eu d’impact visible sur la croissance du crédit. Les récentes baisses de taux d’intérêt n’ont pas entraîné de hausse de la consommation ou de l’investissement grâce au crédit moins cher, car l’endettement lui-même continue de ralentir.

Sur la base de l’expérience du Japon dans les années 1990, la Chine risque d’entrer dans une trappe à liquidités en raison des risques de récession de bilan. En d’autres termes, les entreprises et les ménages chinois, poussés par leur sentiment très négatif à l'égard des perspectives économiques, pourraient préférer désinvestir et se désendetter en raison de la baisse des revenus. Chez les entreprises, ce processus semble avoir commencé : les bénéfices ont chuté de manière substantielle en 2023 et les entreprises chinoises ont commencé à se désendetter, en particulier les entreprises privées, et à réduire leurs investissements. Chez les ménages, la croissance du revenu disponible stagne et le taux de chômage des jeunes a atteint un niveau record en juin, à plus de 21%.

Si la politique monétaire n’est pas si efficace dans la conjoncture actuelle, pourquoi une relance budgétaire - un outil politique fréquemment utilisé en Chine - n’a-t-elle pas encore été mise sur la table comme la solution la plus facile aux problèmes économiques du pays ? Des rumeurs de relance budgétaire imminente circulent sur le marché depuis la mi-juin, mais rien d’officiel n’a encore été annoncé. Plus précisément, ces rumeurs faisaient état d’un paquet de 1.000 milliards de renminbis (RMB) d’obligations spéciales à émettre par les gouvernements locaux, principalement pour financer des projets d’infrastructures et dans le but ultime de stimuler la confiance. S’il est évident que le secteur de l’infrastructure financière, aujourd’hui affaibli, en a besoin, il n’est pas évident qu’un nouveau programme d’infrastructures suffise à convaincre les investisseurs que l'économie chinoise va retrouver le chemin d’une croissance plus rapide.

Efficacité décroissante

Quoi qu’il en soit, aucune mesure de relance de ce type n’a été annoncée, ce qui suggère que les décideurs chinois restent prudents face à une augmentation trop rapide de la dette publique, déjà proche de 100% si l’on tient compte de la dette hors bilan des gouvernements locaux, émise par les local financing government vehicles (LGFV). Jusqu'à présent, la réponse politique semble pencher vers un assouplissement des contraintes réglementaires dont des secteurs clés de l'économie ont souffert ces dernières années. Tout d’abord, les trois «lignes rouges» limitant l’effet de levier des promoteurs immobiliers ont été discrètement levées et remplacées par 16 mesures d’assouplissement introduites en novembre 2022. Ces 16 mesures d’assouplissement ont été renouvelées pour le secteur immobilier, mais elles n’entraînent pas nécessairement une amélioration du sentiment, car les investisseurs peuvent constater que leur impact a été jusqu'à présent étouffé. Dans le même ordre d’idées, le secteur technologique a brièvement ressenti un certain soulagement grâce à la résolution de l’affaire Ant Financial, qui s’est traduite par une amende d’un milliard de dollars.

En réalité, les investisseurs restent méfiants à l'égard de l'économie chinoise, en particulier après la publication du PIB du deuxième trimestre, et il leur sera difficile d’adopter un sentiment plus positif par le seul biais de mesures réglementaires. La question est donc de savoir si ces mauvaises données sur le PIB inciteront les décideurs politiques à introduire un stimulus important, non seulement pour s’assurer que l’objectif de 5% du PIB est atteint en 2023, mais aussi pour éviter un ralentissement très rapide de la croissance en 2024, une fois que les effets de base des terribles données de 2022 ne seront plus favorables.

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Deux considérations sont à prendre en compte pour évaluer cette possibilité. La première est que le Li Qiang s’est montré plutôt discret en termes d’annonces politiques depuis son entrée en fonction en mars, au-delà de déclarations générales sur la manière dont le secteur privé et les investisseurs étrangers devraient rechercher des opportunités dans l'économie chinoise. Son comportement s’explique : dans l'élaboration des politiques publiques de Pékin, aujourd’hui, la croissance économique est perçue comme moins importante que les questions de sécurité nationale. Une relance économique de grande ampleur pourrait donc être difficile à justifier, d’autant plus que le président Xi critique depuis longtemps la relance massive de 2008 mise en place par ses prédécesseurs.

La deuxième considération concerne l’efficacité réduite d’une nouvelle relance budgétaire, surtout en comparaison avec celle de 2008. Compte tenu de la baisse rapide des rendements des actifs chinois, une relance budgétaire devrait être beaucoup plus importante pour avoir le même impact économique. Cela implique également qu’avec un tel stimulus, la dette publique dépasserait largement les 100% du PIB actuels, ce qui placerait la Chine parmi les économies les plus endettées au monde.

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