Contre l’immobilisme, la motion de censure des marchés

Le calme des marchés obligataires au lendemain des législatives conforte la tentation de l’immobilisme en France. Ce serait une grave erreur. L'éditorial d’Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction.
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Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L'Agefi  - 

De deux maux choisissons le moindre. Au lendemain du second tour des législatives, qui a accouché d’un Parlement éparpillé façon puzzle, il règne sur les marchés financiers un calme étrange, mâtiné de résignation. Le coût de la dette française est stationnaire, l’indice CAC 40 montre un encéphalogramme plat. Les investisseurs sont soulagés d’avoir évité les scénarios du pire qui auraient donné, soit au Nouveau Front populaire, soit au Rassemblement national, et à leurs programmes économiques délirants, les clés du pays. Mais la crise institutionnelle qui menace n’a rien pour les rassurer.

Passé l’éphémère front républicain, l’Assemblée nationale se prépare au risque de blocage permanent. La cacophonie qui régnait sur les plateaux des chaînes de télévision dimanche soir dès vingt heures, les stratégies individuelles qui, au sein même de chaque camp, se dessinent en vue des prochaines échéances électorales, témoignent de l’incapacité de la classe politique à se hisser à la hauteur de l’événement. Quelle que soit la coalition disparate forgée au sortir des urnes, la multiplicité et l’indiscipline naturelle de ses composantes en accroîtront la fragilité.

D’ici à 12 mois, le délai nécessaire avant toute autre dissolution, voire à la présidentielle de 2027, une chose au moins est certaine : rien ne sera entrepris qui permette de redresser la trajectoire des finances publiques. Affligée d’une dette et d’un déficit qui la rangent parmi les cancres de la zone euro, incapable de tenir les promesses faites à ses partenaires à Bruxelles, la France se condamne à l’inéluctable dégradation de sa qualité de crédit. Un déclassement déjà lisible dans les écarts de rendement entre émetteurs souverains européens.

A la veille du second tour, Mario Monti expliquait comment l’Italie avait choisi fin 2011 de confier son sort à un gouvernement de technocrates, en pleine crise de la zone euro. L’urgence financière, la menace existentielle pesant sur la monnaie unique, avaient convaincu tous les partis politiques de s’en remettre à plus expert et responsable qu’eux pour éviter la faillite. A l’époque, «lo spread» était passé dans le langage courant et faisait l’ouverture des journaux télévisés transalpins.

Nous n’y sommes pas encore en France, où les coûts d’emprunt par rapport à l’Allemagne n’ont pas atteint ce seuil de douleur. Tant mieux pour l’économie et les entreprises, tant pis pour ceux qui espèrent que la vigilance des investisseurs obligataires ramène les démagogues à la raison. Gare cependant à l’accalmie trompeuse du lendemain d’élections. Contre la tentation de l’immobilisme, les marchés pourraient être plus prompts que prévu à censurer l’inconséquence des dirigeants politiques français.

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