
Christine Lagarde défend la méthode flexible de la BCE

Alors que la Réserve fédérale a durci mercredi soir le ton contre l’inflation qui sévit aux Etats-Unis et que la Banque d’Angleterre a tout bonnement relevé son taux directeur ce jeudi, la Banque centrale européenne a réservé pour sa part peu de surprises. L’annonce de la fin du programme d’achats d’urgence pandémique (PEPP) en mars était largement attendue.
« On ne peut pas partir du principe que ce qui se passe à la Fed va aussi arriver à la BCE », a expliqué Christine Lagarde, la président de la BCE, lors de la conférence de presse suivant la publication de la décision de politique monétaire. Elle a rappelé que « les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la zone euro sont à des stades très différents du cycle ».
Une hausse des taux peu probable en 2022
La BCE réduira le rythme des achats net d’actifs réalisés dans le cadre du PEPP au premier trimestre 2022, avant de mettre fin à ce dispositif, comme prévu, en mars prochain. Parallèlement, l’institution augmentera le montant de son programme régulier d’achats d’actifs (APP), de 20 milliards à 40 milliards d’euros par mois, au deuxième trimestre afin de limiter l’impact pour les marchés de la fin du PEPP.
Dans un communiqué, la BCE a indiqué qu’elle réduirait ensuite le volume des achats nets de l’APP à 30 milliards d’euros par mois au troisième trimestre avant de revenir à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros à compter d’octobre 2022. Les achats se poursuivront alors « aussi longtemps que nécessaire » et prendront fin peu avant la première hausse des taux d’intérêt.
« Il est très peu probable » que celle-ci intervienne en 2022, a prévenu la présidente de la BCE, lors de la conférence de presse.
Selon Reuters, les gouverneurs des banques centrales belge, autrichienne et allemande ont exprimé leur désaccord avec la décision de la BCE de poursuivre ses achats d’obligations pendant plusieurs années si nécessaire.La décision a été désapprouvée par le Belge Pierre Wunsch, qui n’avait pas de droit de vote lors de cette réunion, par l’Autrichien Robert Holzmann et par l’Allemand Jens Weidmann. Il s’agissait de la dernière réunion de ce dernier en raison de son prochain départ de la BundesBank.
Pierre Wunsch, Robert Holzmann et Jens Weidmann ont aussi exprimé leur désaccord avec les prévisions d’inflation retenues par la BCE, estimant que la hausse des prix dans la zone euro pourrait être supérieure à celle de 1,8% prévue pour 2023 et 2024, ont précisé les sources.
Coup de pouce à la Grèce
Le PEPP pourrait même redémarrer « si nécessaire, pour contrer des chocs négatifs liés à la pandémie », a souligné la BCE, qui a également décidé de réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme au moins jusqu'à la fin de 2024, contre 2023 précédemment.
Insistant sur la nécessité de mener une politique monétaire « flexible », la BCE a également indiqué qu’en cas de nouvelle fragmentation du marché liée à la pandémie de Covid-19, elle pourrait ajuster les réinvestissements du PEPP « dans le temps, entre catégories d’actifs et entre les juridictions » à tout moment. La banque centrale pourrait ainsi acheter des obligations grecques, exclues de l’APP, en sus des réinvestissements prévus pour éviter un arrêt des achats dans ce pays, a-t-elle précisé.
Les prix des obligations d’Etat grecques progressent jeudi, à la différence de leurs homologues de la zone euro, à la suite de cette annonce. Le rendement des obligations grecques à dix ans recule de 4 points de base, à 1,179%. Dans le même temps, les rendements obligataire espagnols, portugais et italiens gagnent 4 points de base.
L’incertitude Omicron
En conférence de presse, Christine Lagarde a d’ailleurs souligné que l’impact du variant Omicron dans les mois à venir était « totalement incertain » : il pourrait affaiblir la demande mais aussi peser sur l’offre et entraîner de nouvelles tensions inflationnistes, a-t-elle indiqué. De fait, il est « important de conserver de la flexibilité et de n'écarter aucune option » pour pouvoir répondre à l'évolution de la situation, a-t-elle ajouté.
Pour l’heure, la BCE anticipe une poursuite de la croissance économique en zone euro dans les années qui viennent et une inflation qui restera supérieure à son objectif « pendant l’essentiel de 2022 » avant de ralentir dans le courant de l’année prochaine pour retrouver un niveau inférieur à 2% en 2023 et 2024.
L’inflation dépasserait 3% en 2022
Comme attendu par les économistes, la BCE a nettement relevé sa prévision d’inflation pour la zone euro l’année prochaine. Elle tient compte de la forte accélération des prix dans la région ces derniers mois, a indiqué Christine Lagarde, en évoquant notamment des « hausses significatives » des prix des carburants, du gaz et de l'électricité.
La BCE table désormais sur un taux d’inflation annuel de 3,2% en 2022, contre une prévision de 1,7% annoncée en septembre. En 2023 et 2024, les hausses de prix devraient être limitées à 1,8% par an, un seuil inférieur à l’objectif de 2% de la BCE qui peut ainsi justifier le maintien d’une politique monétaire accommodante.
La croissance du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro devrait atteindre 4,2% l’année prochaine, contre 4,6% anticipés auparavant, a indiqué Christine Lagarde. Pour 2023, l’institution prévoit une croissance de 2,9%, contre 2,1% précédemment. En 2024, la croissance devrait s'établir à 1,6%.
Pour 2021, la banque centrale anticipe désormais une croissance de 5,1%, contre une prévision de 5% annoncée en septembre, et un taux annuel d’inflation de 2,6%, contre une précédente projection de 2,2%.
La BCE a par ailleurs laissé ses taux d’intérêt inchangés jeudi. Le principal taux de refinancement de la BCE a ainsi été maintenu à 0% et son taux de rémunération des dépôts à -0,5%.
La banque centrale a précisé que les taux resteraient à leurs niveaux actuels ou plus bas jusqu’au retour durable de l’inflation à 2%, confirmant ainsi ses indications prospectives, ou forward guidance. La BCE a précisé que ce retour durable à une inflation de 2% pourrait impliquer une période transitoire de hausse des prix légèrement supérieure à l’objectif.
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