L’inflation salariale met Wall Street sous tension

Le marché de l’emploi américain reste en surchauffe. Mais avec de premiers signes de décélération
Fabrice Anselmi
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La dynamique de salaires horaires reste plus forte qu’avant la crise, bien qu’en décélération par rapport au deuxième semestre 2021 et au début 2022.  -  crédit Mohamed Hassan / Pixabay

Quand l’emploi va, rien ne va plus à Wall Street. Le rapport du département du Travail publié le 6 mai fait état des créations d’emplois supérieures aux attentes, à 428.000 unités emplois sur le mois d’avril pour un taux de chômage à 3,6%. Au-delà, il montre que le salaire horaire moyen a encore augmenté de 0,3% le mois dernier, après une hausse de 0,5% (révisé) en mars. Assez pour enfoncer un peu plus les marchés actions américains dans le rouge. Le S&P 500 a fini en baisse de 0,6% à 4.123 points après avoir déjà perdu 2,3% la veille. D’autres chiffres sur la productivité américaine, qui a plongé de 7,5% au premier trimestre, sa plus grosse chute depuis 1947, et sur le coût unitaire du travail, en hausse de 11,6%, (+7,2% en rythme annuel), avaient fait craindre jeudi pour les marges des entreprises.

La hausse des salaires signale que l’inflation est devenue endogène aux Etats-Unis. Ces publications arrivent après celle de l’Employment Cost Index (ECI) trimestriel qui était également sorti en hausse le 29 avril, de 1,4% fin mars par rapport à fin décembre et de 4,5% en rythme annuel. «Comme l’a rappelé Jerome Powell mercredi, le marché du travail est extrêmement tendu, indique Florence Pisani, directrice de la recherche économique de Candriam. Même en étant très optimiste sur l’évolution du taux de participation, la baisse du travail à temps partiel ou la résorption du chômage - avec un taux de chômage qui tomberait à 3% -, la réserve de main d’œuvre encore disponible est d’environ 3 millions de personnes : au rythme actuel de 400.000 créations d’emplois par mois, elle sera épuisée avant la fin de l’année.» L'économiste évoque de nets progrès pour presque tous les Américains : le taux d’emploi des hommes noirs par exemple n’est plus que 3 points en deçà de celui des hommes blancs, alors qu’il lui était encore inférieur de 6 points il y a un an.

Cela dit, la progression des différentes statistiques est marquée par un ralentissement global. «L’enquête du Job Report auprès des ménages est même plutôt mauvaise puisque 353.000 personnes de moins indiquent avoir travaillé en avril, une toute première contraction depuis le début de la crise du Covid : le taux de chômage reste stable à 3,6%, mais avec un taux de participation qui baisse un peu (de 62,4% à 62,2%) et le taux de sous-emploi U6 remonte même marginalement à 7% de la population active, note Bastien Drut, stratégiste senior de CPR AM. L’enquête auprès des entreprises reste bonne, mais moins que sur les mois précédents, avec une décélération des créations d’emplois, particulièrement dans la restauration, même si elle est lente et probablement aussi liée aux difficultés à recruter et à un début de normalisation.»

Boucle prix-salaires moins puissante ?

La dynamique de salaires horaires reste plus forte qu’avant la crise, mais sa vitesse décélère aussi par rapport au deuxième semestre 2021 et au début 2022. «La variation des 3 derniers mois annualisée tombe à +3,7% pour l’ensemble des salariés comme pour les non-cadres, ce qui n’est pas mauvais mais nous éloigne des niveaux de fin 2021, plutôt à 6%-7% ou des années 70, et peut-être du narratif sur une boucle prix-salaires plus puissante», indique encore Bastien Drut. Ce ralentissement du Job Report se voyait également dans la hausse des salaires dans l’ECI, de 4,5% à 4,7% en rythme annuel, moins forte que sur les périodes précédentes : de 2,7% à 3,2% en juin 2021 ; de 3,2% à 4,2% en septembre 2021, de 4,2% à 4,5% en décembre 2021. Ou encore dans le rapport sur les emplois vacants (jolts), «qui montre que le taux de démissions volontaires, certes encore très élevé, commence à se stabiliser», ajoute Florence Pisani.

Pour les économistes, il est clair que la Fed devait agir le 4 mai pour tenter de limiter la surchauffe de l’économie. «L’objectif est de ramener la croissance du PIB vers 1,5%-2% en fin d’année. Pour l’instant la demande privée reste trop dynamique, encore en hausse de 3,7% en rythme annuel au premier trimestre. La Fed doit donc donner un sérieux coup de frein pour que le marché du travail se détende», conclut Florence Pisani. Elle estime que divers éléments (restriction budgétaire, salaires réels en baisse, hausse des taux hypothécaires, appréciation du dollar…) devraient aider la banque centrale dans sa recherche d’un atterrissage en douceur.

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