
Les superviseurs et les banques recherchent la consolidation perdue

Dix ans après la faillite de Lehman Brothers, les mariages entre banques restent en panne en Europe. Impossible d’imaginer aujourd’hui la tentative de prise de contrôle – ratée – du néerlandais ABN Amro par le trio Santander, RBS et Fortis en 2007. La faute à l’Union bancaire, encore inachevée, mais aussi aux spécificités de chaque marché, ou encore aux créances douteuses. «Bien sûr il y a des différences culturelles, juridiques entre pays», mais le niveau encore élevé des prêts non performants dans les bilans des établissements de crédit «entrave la consolidation bancaire dans l’Union européenne», a déclaré hier Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE). «La fragmentation commence quand les banques ne veulent pas aller là où le rendement du risque est jugé insuffisant pour rémunérer le capital», a-t-il précisé. Ce discours n’est pas totalement nouveau, mais le banquier central de la zone euro l’a étayé à l’occasion d’une journée de conférences sur la supervision organisée à Paris par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Le représentant de la BCE identifie un autre frein au marché unique : «le capital ne peut pas être librement alloué au sein des groupes transfrontaliers». Pour le moment, «l’UE n’est pas considérée comme une juridiction unique par la réglementation internationale», avec à la clé des surcharges de fonds propres pour les activités non domestiques. Du coup, avant même de financer une grosse acquisition dans un pays frontalier, une banque systémique devrait renforcer son bilan, rendant l’opération peu ou pas rentable.
Dans l’immédiat, pour favoriser les activités transfrontalières des G-SIB (global systemically important banks), «une partie de la liquidité pourrait être libérée, l’effet serait significatif», a plaidé Mario Draghi. La possibilité de transférer des dépôts d’une entité à l’autre dans la zone euro est l’une des grandes revendications des groupes continentaux, tel BNP Paribas qui dispose de réseaux de détail en France, en Italie et en Belgique. «La liberté de mouvement des fonds» est une «condition d’un marché intégré» et permettrait d’absorber les «chocs locaux», poursuit Mario Draghi, qui cite l’exemple des banques texanes balayées par la crise pétrolière des années 90 en raison d’un circuit de liquidités 100% local.
Des nains face aux Américains
Les plans d’affaires des acteurs et les réglementations européenne et mondiale ne sont pas les seules responsables de la glaciation actuelle. Au niveau national, les résistances au discours libéral de Mario Draghi sont nombreuses. Les banques centrales nationales, traumatisées par l’assèchement des liquidités en 2008 puis en 2011, lors de la crise de la zone euro, freinent toujours les transferts entre pays. Le futur mécanisme européen de garantie des dépôts, toujours en construction, vise justement à faire tomber une partie des garde-fous nationaux, tout comme le mécanisme de résolution unique (MRU), pas totalement opérationnel.
Pour le moment, les gouvernements penchent pour une approche locale en matière de consolidation. Par exemple en Pologne, où l’heure est plutôt à la renationalisation du système bancaire. En Allemagne aussi, où le ministre des Finances, Olaf Scholz, serait favorable à un rapprochemententre les deux géants malades, Deutsche Bank et Commerzbank, selon Der Spiegel.
Pour autant, les grands Meccanos n’auraient pas seulement un intérêt financier pour les groupes concernés. Ils seraient aussi une nécessité macroéconomique. «Nous avons besoin de banques globales pour financer les PME et les aider à créer plus d’emplois», a défendu hier Jean-Pierre Mustier, directeur général d’UniCredit, tout en balayant les rumeurs de rapprochement entre son groupe et la Société Générale. Son argument ? Seuls les grands établissements peuvent proposer aux corporates une palette complète de services, de la banque transactionnelle aux marchés de capitaux.
Dans un marché continental où le crédit est encore très largement intermédié, requérant donc des banques solides, les européennes restent des nains face aux américains. Alors que la capitalisation boursière de JPMorgan dépassait 300 milliards d’euros fin 2017, et celle de Bank of America et Wells Fargo les 200 milliards, Santander atteignait seulement 88 milliards d’euros, BNP Paribas 78 milliards, la Société Générale et UniCredit 35 milliards et Deutsche Bank 33 milliards, a souligné hier Danièle Nouy, la présidente du conseil de surveillance prudentielle de la BCE. Selon elle, «il y a un lien clair entre fragmentation» du marché et valorisation boursière. «Nous avons besoin de quelques champions européens, mais aussi de toutes sortes de banques : grandes et petites, cotées, coopératives ou publiques», a-t-elle précisé, pour nuancer le discours «big is beautiful».
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