
La finance décentralisée inquiète autant qu’elle séduit le régulateur

La conjonction de l’émergence de nouveaux actifs numériques, de nouveaux acteurs et de nouvelles infrastructures de marché porte un nom : la finance décentralisée, ou DeFi. Si son périmètre reste encore à préciser, la DeFi n’en est pas moins un sujet central pour les superviseurs et les régulateurs mondiaux.
Lors d’une conférence organisée ce jeudi par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), son président, François Villeroy de Galhau, également gouverneur de la Banque de France, a déclaré que si la Defi était « porteuse de perspectives d’efficacité accrue du marché tout en réduisant les coûts et les délais », elle était aussi génératrice de risques. François Villeroy de Galhau en a identifié trois principaux : le blanchiment ou financement d’activités criminelles, le défaut de gouvernance et le risque d’une fragmentation des transactions en raison d’une absence structurelle d’interconnexion et de convertibilité au pair avec la monnaie de banque centrale, « qui serait une régression quasi-médiévale », précise-il.
Face à cette situation, le président de l’ACPR balaie l’idée d’une réaction conservatrice des autorités, qui viserait à interdire les innovations, comme celle d’un total « laisser-faire, laissez-passer ». Il prône une voie médiane, pour « favoriser l’innovation et les progrès qu’elle comporte, tout en préservant la stabilité et des règles ».
L’EPI sur les rails
Concrètement, cela passera par une accélération des chantiers en cours, notamment dans le domaine des paiements. François Villeroy de Galhau a déclaré à ce sujet que concernant l’initiative européenne de paiement (European payments initiative, EPI) conduite par une trentaine de banques, « nous encourageons la décision d’un ‘go ‘ qui, nous l’espérons, sera prise dans les prochains jours ». Le président de l’ACPR a aussi salué la feuille de route du Conseil de stabilité financière (FSB) adoptée en octobre dernier dans le cadre du G20, visant à améliorer les paiements transfrontières. Ce même FSB est aussi mis à contribution pour piloter une approche globale « transfrontières et transmatières » sur les sujets digitaux. Par ailleurs, l’OCDE pourrait constituer « un premier forum » pour « faire dialoguer les autorités respectives au-delà de la seule problématique financière ».
François Villeroy de Galhau est aussi revenu sur le rôle de la Monnaie numérique de banque centrale (MNBC), en soulignant qu’« il n’est de monnaie qu’ancrée dans le bilan de la banque centrale avec une garantie souveraine et démocratique » et que « les formes de cette monnaie de banque centrale peuvent et doivent évoluer, mais son rôle d’ancre demeure et demeurera ». Concernant le projet de l’Eurosystème d’euro numérique sur les paiements de détail, dédié aux utilisateurs finaux, « ce projet ne peut être mené contre les banques ou sans elles : il ne peut être réussi qu’avec elles », a assuré le gouverneur. Pour les paiements de gros, « la MNBC pourrait être efficacement mobilisée pour améliorer la rapidité et le coût des paiements transfrontières », a-t-il souligné, tout en précisant que « l’éventuel accès à une MNBC sur nos infrastructures devrait s’accompagner du respect d’exigences réglementaires ».
Les Big Techs dans le viseur
Enfin, le gouverneur de la Banque de France a affirmé la nécessité d’avancer rapidement sur la réglementation des nouveaux acteurs de la finance digitale. En particulier les grandes entreprises technologiques, qui ne relèvent pas de la réglementation bancaire traditionnelle. Il a ainsi appelé à « une régulation plus axée sur la nature des activités, selon le principe ‘même activité, même risque, même règle’ ». François Villeroy de Galhau propose que « les groupes qui exercent des activités mixtes, financières et non-financières, – et notamment les Big Techs – soient tenus de regrouper toutes leurs activités financières dans une entité unique, une holding intermédiaire ». Les Etats-Unis ont une vision plus restrictive encore, en prônant une séparation complète des activités commerciale des Big Techs de leurs activités financières, notamment celles concernant l’émission de stablecoin. « Filialisation ou séparation complète : ce débat vaut d’être finalisé vite, en transatlantique et au sein du FSB », conclut François Villeroy de Galhau.
Plus d'articles du même thème
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions