Concentration bancaire, la parole et les actes

Emmanuel Macron a fait une sortie remarquée en indiquant qu’il ne s’opposerait pas, par principe, au rachat d’une banque française dans le cadre d’une consolidation européenne. Est-ce bien raisonnable ? L'éditorial d’Alexandre Garabedian.
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Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L'Agefi  - 

Emmanuel Macron renfile son costume d’ancien banquier d’affaires. Le président de la République veut relancer la constitution de champions européens dans trois domaines, l’énergie, les télécoms et la finance. Quitte à laisser une banque française passer sous pavillon étranger. Interrogé sur le sujet par l’agence Bloomberg en marge du sommet Choose France, le locataire de l’Elysée a indiqué qu’il ne s’opposerait pas, par principe, à une telle opération. Les dirigeants de la Société Générale, que sa sous-performance boursière chronique désigne comme une proie facile, ont dû apprécier.

Dans un pays sujet à de fréquents accès de souverainisme économique, la parole du chef de l’Etat frappe les esprits. Elle est aussi franche qu’isolée. Nul ne peut penser sérieusement que le gouvernement resterait coi si un UniCredit ou un Santander s’avisait de racheter un fleuron tricolore. Bercy n’avait pas mis vingt-quatre heures à dissuader les appétits canadiens de Couche-Tard pour Carrefour en janvier 2021, dans un secteur, la distribution, dont l’importance pour les intérêts vitaux de la nation ne saute pas aux yeux. Autrement stratégique pour l’économie, parfois assimilé à un service public, le secteur bancaire suscite plus volontiers encore le protectionnisme, ici comme chez nos voisins. Même les opérations purement domestiques peuvent se heurter au veto du politique. Le raid de BBVA sur Sabadell, qui bouscule les susceptibilités régionales en Espagne, vaut à l’initiateur de l’offre l’opposition de Madrid.

Il existe certes un contre-exemple, le Crédit commercial de France, racheté par HSBC au nez et à la barbe d’ING. Mais le CCF n’avait pas l’envergure de la Société Générale, et la bataille boursière a eu lieu en 2000, soit une éternité à l’échelle du secteur bancaire. La crise financière, avec son lot de nationalisations forcées, a tout changé. Les nouvelles exigences imposées au secteur et l’incapacité de l’Europe à achever l’Union bancaire rendent trop coûteuses en capital et en liquidité les fusions transfrontières d’envergure. Emmanuel Macron le sait, lui qui fait référence, dans la même interview, aux distorsions de concurrence entre les marchés américain et européen lorsqu’il s’agit d’appliquer les réglementations internationales décidées au Comité de Bâle. Sans changements sur ce front-là, l’idée d’une reprise des grandes manœuvres à l’échelle du continent est illusoire.

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