Bancassurance et Bourse, les raisons du divorce

Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian

CNP et Natixis ont tant en commun qu’il semble presque naturel de les voir quitter la Bourse à un an d’intervalle. La compagnie d’assurance-vie et la banque de gros sont toutes deux nées dans l’orbite de la Caisse des dépôts et ont longtemps été partenaires l’une de l’autre. Leurs cotations respectives furent aussi, en leur temps – 1998 et 2006 –, de grandes opérations d’actionnariat populaire. C’était une époque où les énergéticiens, les opérateurs de télécoms, les banques passaient pour des valeurs sûres dans les portefeuilles. Désormais, les investisseurs portent au pinacle les représentants du nouveau monde : un Tesla capitalisant plus que l’ensemble des constructeurs automobiles traditionnels, un Facebook au parcours boursier largement épargné par la litanie de scandales qui écornent l’image du réseau social.

Après BPCE avec Natixis en début d’année, La Banque Postale a donc choisi d’en tirer les leçons en proposant de racheter les actionnaires minoritaires de CNP. La bancassurance, si caractéristique de l’ancien monde, a-t-elle encore un intérêt à la cotation ? Les exigences réglementaires adoptées dans le sillage de la crise financière de 2007 et la faiblesse séculaire des taux ont laminé la rentabilité du secteur et les multiples de prix, avec une destruction de valeur pour l’actionnaire. Elles ont découragé, aussi, les grandes fusions transfrontalières, inimaginables aujourd’hui en zone euro. Dans la banque de détail ou d’investissement, dans l’assurance-vie, les actions ne peuvent plus guère servir de monnaie d’échange. Le Crédit Agricole est le dernier à y avoir eu recours en France, en 2003, pour financer son offre sur le Crédit Lyonnais. Privée de sa raison d’être, la Bourse devient, au mieux, un aiguillon à la discipline financière et à la transparence, au pire, un désavantage compétitif face à des concurrents non cotés qui peuvent se permettre de rester discrets. N’est-ce pas en mettant Boursorama à l’abri du regard des marchés que la Société Générale a donné un coup d’accélérateur au développement de sa filiale ? Un comble.

L’intérêt pour les valeurs financières ne s’est pas pour autant tari. Il s’est déplacé vers les grands gagnants de la mutation de cette industrie ces quinze dernières années. Les fintechs, les gestionnaires d’actifs, les fonds d’investissement se précipitent vers une Bourse prête à payer très cher leurs perspectives bénéficiaires. A peine sevré du marché actions, Natixis évoque déjà une cotation de son asset management pour financer une grosse acquisition. De surcroît, le déclassement des banques traditionnelles se vérifie surtout en zone euro : aux Etats-Unis, celles-ci parviennent encore à afficher des valorisations honorables. Ce glissement ne signe donc pas seulement la victoire d’une nouvelle génération sur l’ancienne. Il fixe aussi les limites d’une régulation à l’européenne qui a coupé pour partie l’industrie financière de sa base d’actionnaires.

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