Investisseurs Institutionnels

La transformation des actifs devient impérative en immobilier

Les investisseurs institutionnels intervenant à la table ronde immobilier de la Journée Nationale des Investisseurs œuvrent au renouveau des actifs pour préserver le rendement à long terme d’une classe encore en reprise.
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Moins couler de béton et faire du neuf avec du vieux. Lors du panel consacré à l’immobilier de la Journée Nationale des Investisseurs (JNI) organisée le 3 décembre 2024 par L’Agefi, les investisseurs institutionnels pointent leur rôle dans le financement de la mutation du parc immobilier français.

Côté Banque des Territoire et Caisse des Dépôts, Dorothée Clouzot souligne un niveau d’activité fort lié au rôle contracyclique de l’investisseur public : «Dans un marché chahuté, nous continuons à accompagner les porteurs de projets, plus ça ralentit, plus nous sommes sollicités». Chaque année, elle passe entre 120 et 150 dossiers d’investissement en comité, ce qui représente environ 500 millions d’euros de fonds propres ou quasi-fonds propres en moyenne, et pour la difficile année 2023, 700 millions. Avec le levier, l’envergure passe à 3 ou 4 fois la mise. La Caisse couvre les segments du tourisme, de la santé, des résidences gérées, un peu d’immobilier d’entreprise, des commerces, des locaux industriels et de la logistique du dernier kilomètre.

Avec sa mission de «repenser la ville», elle s’inscrit dans le thème du financement de la transformation, avant même la loi Zéro Artificialisation Nette. «Nous intervenons depuis longtemps sur le recyclage urbain, nous avons notamment mis des tickets dans les fonds spécialisés dans la transformation de friches industrielles Ginkgo et Brownfields», ajoute Dorothée Clouzot. La Caisse, via ses différentes entités, travaille avec des partenaires pour amplifier son action, comme à Bordeaux avec Apsys pour transformer tout un quartier proche de la gare avec des usages mixtes, ou à Mérignac avec Frey pour transformer les entrées de villes commerciales en nouveaux quartiers mixtes.

Peu d’actifs à transformer

Chez AG2R La Mondiale, le portefeuille d’immobilier en direct fait environ 6 milliards d’euros, avec beaucoup de bureaux. Xavier Pelton, directeur immobilier de placement, constate que «le bureau reste à la traîne, même si on entend une petite musique sur le retour au bureau, mais qui ne se retrouve pas chez les preneurs.» Il y a selon lui une dichotomie lui entre prix et valeur, ce qui est une clé pour la reconversion des actifs. Il estime avoir toujours la capacité d’aller chercher un vrai prix pour les transformer, mais trouve qu’il ne s’est pas présenté beaucoup d’opportunités en 2024, en tout cas aucune qu’il regrette d’avoir manqué. Malgré le choc de liquidité et le risque connu sur la dette, il y a eu quelques sujets de ventes décotées mais le marché a tenu et il n’y a pas eu de flux massif d’arbitrages, selon lui. «Nous avons une stratégie ‘build to rent’ plutôt en bureau, nous créons la ville de demain sur la ville d’aujourd’hui», explique-t-il. Par exemple, AG2R La Mondiale a acquis en 2020 l’ancien siège du Conseil Régional d'Île-de-France (Paris VII) et l’a transformé avec l’obligation de créer 30% de logements sociaux pour 70% de bureaux tertiaires. Sur la transformation de bureaux en logements, Dorothée Clouzot pointe le même constat : «le point clé, c’est la baisse de valeur, il faut que les propriétaires acceptent une valorisation très faible pour que cela fonctionne, cela va probablement prendre encore du temps.»

Rendre plus vertueux

Vincent Gillot, responsable des placements immobiliers de la Matmut, décrit lui aussi un parcours dans la transformation des actifs. Avec un patrimoine immobilier de 500 millions d’euros, il présente un profil plus résidentiel que bureau. «Le Covid a montré que le résidentiel était résilient, et nous sommes assez contents de ne pas avoir de bureaux à la Défense», souligne-t-il. La mutuelle installée à Rouen a investi historiquement dans sa région, mais se diversifie ces dernières années sur d’autres géographies. Dans sa ville, il donne l’exemple d’une restructuration lourde de friche à l’abandon depuis une vingtaine d’années et convertie en hôtel et bureaux. La Matmut entend ainsi soutenir l’activité économique de son territoire qui manque de bureaux neufs. «Nous avons à cœur de restructurer nos actifs de logement sur la performance énergétique mais aussi les actifs de bureau, nous avons ainsi remis à niveau un immeuble parisien proche de la gare Saint Lazare pour pouvoir le louer au meilleur prix», illustre-t-il.

La transformation de bureaux en logements est l’un des enjeux de la décennie à venir, selon l’analyse de Christian de Kerangal, directeur général de l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière (IEIF). «Le point fondamental c’est que les propriétaires acceptent l’obsolescence de leurs actifs et intègrent une baisse de valeur, or les valeurs d’aujourd’hui ne sont pas compatibles avec un business model de transformation», explique-t-il. Il détaille que les élus et collectivités locales ont tendance à résister à ces projets car il leur faut alors assurer le coût de nouveaux équipements publics comme des crèches ou des écoles, et aussi renoncer aux recettes fiscales liées aux bureaux, qu’ils soient vides ou occupés. «Il se dit qu’il y aurait entre 8 et 12 millions de mètres carrés de bureaux vides, ce qui devient un problème majeur de politique publique», indique le représentant de l’IEIF. La balle est donc dans le camp de l’Etat, à qui il incombe de trouver des incitations… sans bourse délier.

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