
Les ETF thématiques peinent à retrouver la confiance des investisseurs

Les sommets atteints en 2021 semblent bien lointains pour le marché européen des ETF thématiques. Alors que leur collecte avait frôlé les 27 milliards de dollars cette année-là selon les données de Trackinsight, elle s’est effondrée dans le sillage des hausses de taux et de l’atterrissage violent des valeurs de croissance souvent très représentées dans ce type de stratégie : les flux n’ont été que de 16 milliards en 2022 et n’ont pas dépassé les 10 milliards en 2023. Depuis le début de cette année, ils sont même passés dans le rouge, avec une décollecte de 1,6 milliard (données arrêtées au 27 août). Portés par des performances qui se sont entre-temps redressées, les encours ont toutefois réussi à légèrement progresser pour atteindre 107 milliards de dollars à date, contre 82 en 2021. Une hausse de 31 % sur trois ans sans commune mesure avec le quintuplement enregistré entre les débuts de ce segment de marché en 2018 et son âge d’or atteint en 2021.
Le tableau n’est toutefois pas totalement noir. Certaines thématiques résistent bien mieux que d’autres. C’est le cas de celle de l’intelligence artificielle et du big data qui attire depuis le début d’année 1,5 milliard de dollars de souscriptions, après 1,1 milliard l’an dernier déjà. Selon les décomptes de WisdomTree – sensiblement différents de ceux de Trackinsight en de leur classification hétérogène des ETF thématiques* –, le thème des semi-conducteurs tire également son épingle du jeu avec une collecte de 1,1 milliard de dollars cette année (à fin juillet). Il ne suffit toutefois pas d’avoir une dimension technologique pour séduire les investisseurs : toujours selon WisdomTree, les ETF dédiés à la cybersécurité ou à la robotique, investis sur des entreprises souvent non immédiatement rentables, souffrent de sorties (-420 et -640 millions de dollars respectivement depuis le début d’année). « La gestion thématique n’est pas monolithique, prévient Pierre Debru, responsable de la recherche chez WisdomTree. Le sentiment de marché à un moment donné influe beaucoup : en 2021, c’étaient les thématiques vertes qui tiraient la collecte, mais depuis l’arrivée de ChatGPT, ce sont celles liées à l’IA et aux semi-conducteurs qui dominent. Des thèmes aujourd’hui pénalisés comme l’énergie propre ou les véhicules électriques restent porteurs à long terme mais leur croissance ne sera pas linéaire. »
A lire aussi: Les ETF, un laboratoire d’inventivité
Pour ses promoteurs, la gestion thématique n’a donc pas dit son dernier mot, mais la structure de ce segment de marché est susceptible d’évoluer. Les difficultés rencontrées par les ETF thématiques semblent en effet bien moins marquées que celles de fonds ouverts gérés activement. « Alors qu’en 2023, les mutual funds et les ETF thématiques avaient enregistré une décollecte en ligne avec leur part de marché respective – 86 % pour les premiers, 14 % pour les seconds –, on constate une divergence depuis le début d’année, avec une collecte des ETF thématiques beaucoup plus résiliente », note Pierre Debru. Selon l’observatoire de WisdomTree, ces derniers parviennent ainsi à attirer 750 millions de dollars (contre une décollecte de 1 milliard en 2023), alors que les sorties s’accélèrent pour les fonds actifs (-20 milliards contre -9,4 l’an dernier). Plusieurs explications sont avancées. « Les thématiques technologiques sont plus représentées dans l’offre d’ETF, analyse l’expert. On y trouve aussi davantage de stratégies très spécifiques (cloud, semiconducteurs…) prisées par les institutionnels qui veulent maîtriser leur allocation thématique, ou au contraire des approches multithématiques, privilégiées par la clientèle de distribution. Les mutual funds, quant à eux, sont dans un entre-deux (thème du changement climatique, de la technologie en général) qui semble moins séduire les investisseurs. » S’y ajoutent des frais de gestion généralement moindres du côté des ETF.
A lire aussi: Les ETF ciblant le marché de l'obésité prennent du poids
Signe que les fournisseurs d’ETF y croient toujours, les lancements de produits ont certes ralenti mais sans disparaître. Selon Trackinsight, 32 nouveaux ETF thématiques ont vu le jour au premier semestre, contre 112 pour l’ensemble de l’année dernière. Si certains sont désormais bien couverts en termes d’offres – Trackinsight dénombre par exemple 36 ETF dédiés aux « projets verts » et 21 aux « infrastructures digitales et de connectivité » - d’autres sont moins représentés. « Des thèmes comme la polarisation politique, la relocalisation (« nearshoring ») ou encore l’industrie spatiale, qui se développent aux Etats-Unis, sont peu ou pas présents en Europe », observe Pierre Debru. De nouvelles pistes à explorer pour les gérants.
* En particulier, Trackinsight classe comme ETF thématiques les ETF réplicant des indices climatiques labellisés PAB ou CTB (près de 60 milliards de dollars d’encours), ce qui n’est pas le cas de WisdomTree.
Plus d'articles du même thème
-
Un rebond rapide, mais mesuré, est attendu pour les marchés actions
Les gestionnaires interrogés anticipent une reprise de 8% à 9% des Bourses dans les six prochains mois, et de 12% à 14% sur un an. -
PARTENARIAT
L’essor des ETF actifs
Les ETF actifs attirent des investisseurs en quête des avantages de la gestion active et de l'atout de l’enveloppe ETF. -
Le marché européen des ETF reprend sa respiration
La collecte hebdomadaire a été divisée par près de deux, après une semaine record.
A la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions