«La complexité du cadre réglementaire sur la finance durable est le sujet qui fâche», a reconnu Evert van Walsum, responsable du département investisseurs et émetteurs de l’Esma, l’Autorité européenne des marchés financiers, lors du European Finance Forum, organisé par L’Agefi le 5 octobre 2022 . Passant en revue les travaux de l’Esma dans ce domaine, le représentant du régulateur européen a fait part de son inquiétude concernant la classification des fonds en articles 8 et 9 qui a vu le jour avec SFDR, au regard des montants en jeu. «Cela concerne 5.000 milliards d’euros d’actifs, et la grande majorité est en article 8, puisque l’article 9 ne représente que 5 % de cette somme», détaille-t-il. Et dans cet océan de fonds article 8, on trouve de tout, selon lui. Pour Evert van Walsum, la réglementation a été mal comprise. «Les articles 8 et 9 étaient censés constituer un élément d’information, mais c’est utilisé comme un benchmark, ce qui est fort regrettable», se désole-t-il. Attention à la hausse du coût des données Selon Mirela Agache-Durand, vice-présidente de l’AFG, l’Association française de la gestion financière, «nous ne devons pas avoir peur de la complexité. Si c’était simple, nous aurions raté quelque chose». La représentante du secteur français de la gestion, également directrice générale de Groupama Asset Management, a voulu attirer l’attention sur deux points. Le premier est la hausse du coût de l’accès aux données qui sont nécessaires pour respecter la réglementation. «Le coût est élevé pour les sociétés de gestion. Et nous ne pouvons pas répercuter ce coût aux investisseurs. Nombre d’investisseurs pensent que l’ESG devrait être moins onéreux. Or, c’est le contraire!», s’est-elle exclamée. Mirela Agache-Durand fonde beaucoup d’espoirs dans le projet de point d’accès européen unique pour les données financières et extra-financières des sociétés cotées (ESAP), afin de «réduire la dépendance aux fournisseurs de données et freiner la hausse des prix». La dirigeante propose par ailleurs la mise en place d’un test de compétitivité pour le secteur. «Parce que toutes ces exigences, en plus de tout ce que nous faisons actuellement, font porter un poids sur notre bilan et notre compétitivité. Si nous voulons conserver notre secteur de l’asset management en Europe, il faut le faire», a-t-elle déclaré. Incohérences Elise Attal, responsable des politiques de l’Union européenne des Principles for Responsible Investments (PRI), a souligné de son côté les nombreuses incohérences entre les différentes réglementations. «L’un des problèmes vient du fait qu’il y a eu des obligations de publication aux investisseurs avant même que les données ne soient disponibles», illustre-t-elle. Les PRI doivent d’ailleurs publier prochainement une étude sur ce sujet montrant et identifiant ces incohérences. «SFDR cause de nombreux maux de têtes parmi nos membres… Nous essayons de faire de notre mieux, d’organiser des groupes de travail, qui s’apparentent presque à des thérapies de groupe », s’amuse-t-elle. Au-delà de ces considérations de court terme, Elise Attal identifie un autre défi à moyen terme, qui est l’efficacité de la réglementation. «La réglementation va-t-elle fonctionner? Autrement dit, allons-nous être capables avec ces exigences de transparence de transférer les capitaux des activités économiques de transition?», s’interroge-t-elle. «Si à la fin nous n’obtenons qu’une hausse des prix parce qu’il faut acquérir des données, l’objectif sera raté»… Comme le rappelle Klaus Kunz, responsable de l’engagement ESG et du reporting performance, « on ne fait pas tout ça pour remplir un reporting, mais pour avoir un vrai impact sur le climat »!