
Le private equity français frôle le burn-out

Chez les acteurs du private equity, le printemps a été chaud, mais l’été s’annonce caniculaire. Car si la pandémie de Covid-19 a mis à mal les projets de nombreux entrepreneurs et fonds d’investissement, la sortie progressive de la crise sanitaire a provoqué un formidable effet de rattrapage. En 2021, les équipes corporate finance de BNP Paribas avaient identifié un nombre record de 25 opérations potentielles de buy-out à plus d’un milliard d’euros dans l’Hexagone. Un chiffre qui pourrait être atteint sans difficulté, d’autant qu’un certain empressement est aujourd’hui observé chez les actionnaires, désireux de concrétiser leur projet avant l’élection présidentielle.
« Cette échéance a toujours été un moment particulier dans le milieu des affaires. Les incertitudes entourant les résultats et les réformes fiscales qui pourraient en découler font figure de repoussoirs », note le dirigeant d’une banque d’affaires, dont le niveau d’activité n’a jamais été aussi élevé. « Tout marche, tous azimuts, quels que soient les produits et les secteurs », corrobore Emmanuel Goldstein, le nouveau patron de Morgan Stanley en France.
Arbitrage entre dossiers
Très visible sur le segment du large-cap, le phénomène touche également les transactions de plus petites tailles. La montagne de liquidité déversée dans le non coté a créé un appétit massif des investisseurs, au point de frôler l’indigestion. « Le très fort niveau d’activité du marché complique paradoxalement certaines transactions. Par manque de bande passante, les fonds sont de plus en plus contraints d’effectuer des arbitrages sur des actifs de qualité et donc de se concentrer sur les dossiers où ils ont le plus de chances d’aboutir », constate Arnaud Petit, président d’Edmond de Rothschild Corporate Finance.
L’arbitrage a toujours été visible dans le métier du private equity, mais il est en passe de devenir la norme. Sauf lorsque des fonds aux poches très profondes veulent mettre le turbo. Quand PAI Partners était engagé dans l’enchère gérée par Canaccord Genuity pour investir dans le groupe de certification Apave, il concourait aussi pour une prise de participation dans la filiale de la Caisse des dépôts et consignations, Egis. Cela en dépit de la forte exposition au secteur des services que pourraient impliquer ces investissements.
Départs de juniors
Mais la surchauffe observée du côté des conseils est l’un des principaux goulots d’étranglement du moment. Banquiers d’affaires, avocats, conseils stratégiques, auditeurs… la plupart d’entre eux sont aujourd’hui débordés au point de ne plus prendre de nouveaux dossiers. « Un fonds m’a sollicité pour l’accompagner dans le cadre d’une enchère de place dans le monde de la petite enfance, mais j’ai préféré refuser car je manque cruellement de temps », confesse un banquier. La situation est tellement tendue que plusieurs départs de juniors ont été constatés au sein de grandes banques et chez certains cabinets d’avocats américains, adeptes du système de rémunération « eat what you kill », en fonction des affaires qu’ils apportent. Une tendance d’autant plus surprenante qu’elle intervient à un moment de grande tension sur le marché de l’emploi. Les associates (grade intermédiaire) au sein des banques d’affaires et les jeunes avocats n’ont jamais été aussi bien payés, de l’aveu même de plusieurs associés de ces structures.
Pour éviter le burn-out et l’embouteillage des dossiers, plusieurs professionnels de ces secteurs n’hésitent plus à conseiller à leurs clients d’attendre la fin de l’été pour entamer leur processus de vente. Une tension comme le private equity tricolore n’en avait encore jamais connu.
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