La hausse des cotisations déplafonnées de retraite risque de relancer la contestation

Dans son dernier Rapport sur l’application des lois de Financement de la Sécurité sociale 2014, la Cour des comptes estime qu’« à droits équivalents, l’effort contributif des artisans et commerçants pour leur retraite de base demeure inférieur à celui des travailleurs salariés».
Pour remédier à cette situation, les magistrats suggèrent de «renforcer l’effort contributif des cotisants», notamment en alignant progressivement le taux de la cotisation déplafonnée des deux régimes de base (artisans et commerçants) (0,2 %) sur celui des salariés (2 %).
Dans un contexte d’intégration financière du RSI au régime général, la Cour des comptes estime qu’une harmonisation serait légitime et plaide pour la hausse des cotisations versées, en vue de consolider la pérennité du régime dans les années à venir.
La position de la Cour des comptes est contestable. Le calcul des cotisations doit être envisagé d’un point de vue global et on ne peut se contenter de comparer seulement les taux. Pour être en phase avec la réalité, il faut aussi considérer l’assiette.
Rappelons ici que les dividendes pour les gérants majoritaires de SARL entrent désormais dans l’assiette des cotisations, tout comme l’abattement de 10 % pour frais professionnels. Autant d'éléments qui augmentent la contribution des cotisants.
Avec des tendances démographiques défavorables – plus de retraités et moins de cotisants – la Cour des comptes a considéré que la «soutenabilité des retraites des artisans et des commerçants» était menacée. C’est exact : la situation financière des caisses de retraite des indépendants est médiocre dès lors que l’âge de départ est calé sur celui des salariés (à partir de 62 ans). C’est beaucoup moins vrai pour les caisses complémentaires de professions libérales qui ont eu la sagesse de demeurer avec un âge de départ à 65 ans.
La solution préconisée par la Cour des comptes n’est pas à la hauteur de l’enjeu financier. Elle risque surtout de déclencher beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en règlerait.
Une nouvelle hausse des cotisations déplafonnées est dangereuse. Les raisons avancées par la Cour sont pour une bonne part la conséquence des actions initiées ces dernières années par les pouvoirs publics.
Développement des fraudes aux cotisations : le problème n’est pas nouveau. Mais il progresse de manière considérable pour des raisons bien prévisibles. D’abord parce que le statut de l’auto-entrepreneur autorise parfois une concurrence déloyale pénalisant nombre d’artisans en réduisant leurs revenus. Ensuite, parce que les fortes hausses de cotisations en 2013 ont naturellement incité les entrepreneurs qui le peuvent à sous-déclarer leurs revenus. C’est le principe du « trop de charges sociales tue les charges sociales ! »
Les dysfonctionnements du RSI : avec les très graves problèmes rencontrés ces dernières années par les assurés dans la gestion quotidienne de leur caisse, exiger qu’ils payent plus ne peut qu’alimenter le vent de fronde qui agite ces professions.
Les artisans et commerçants sont ceux qui payent le plus de cotisations « inefficaces », c’est-à-dire qui ne génèrent pas de prestations supplémentaires. C’est particulièrement vrai pour ceux qui cotisent au-dessus du plafond annuel de Sécurité sociale (37.548 euros en 2014) : près de 70 % des cotisations qu’ils versent ne leur génèrent aucun droit supplémentaire.
Enfin, n’oublions pas que les indépendants sont particulièrement désavantagés pour certaines prestations. C’est le cas des conjoints de commerçants et d’artisans pour lesquels les droits à réversion sont soumis à conditions de ressources, tant pour la retraite de base que pour la retraite complémentaire.
Alors que de nombreux mouvements contestataires s’élèvent parmi les indépendants pour rejeter en bloc le système de protection sociale, cette proposition d’augmentation des cotisations semble bien légère.
Conclusion.
A la lumière de ces indications, l’Institut de la Protection Sociale :
- souhaite attirer l’attention sur les risques qu’il y aurait à augmenter une cotisation n’ouvrant droit à aucune prestation complémentaire.
- demande des mesures fortes sur le financement de la protection sociale des indépendants dissociant ce qui relève d’une logique de redistribution (frais de santé et prestations familiales) et d’une logique contributive (arrêt de travail, décès et retraite).
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