Guerre et Paix ou le futur de la gestion patrimoniale

Nous assistons au plus grand transfert de richesse de l’histoire. Il met au premier plan les questions intergénérationnelles qui restent peu ou pas traitées. Quels sont les freins qui limitent cette démarche ? Quelles opportunités peuvent en émerger et comment les institutions financières peuvent-elles répondre aux besoins de cette clientèle patrimoniale ?
Vers des tensions intergénérationnelles inévitables
La génération de “boomers” nés entre 1945 et 1965, détient environ 4 000 milliards d’euros de patrimoine (1). Il sera transféré, d’ici 2045, aux générations suivantes. Il est composé d’immobilier pour 43%, d’actifs financiers pour 34%, et d’un patrimoine professionnel pour 24% (2). Cette génération compose une majorité de la clientèle patrimoniale des institutions financières. Elle est évaluée à 3 millions de foyers fiscaux. Elle est évidemment largement exposée aux problématiques du grand âge et de la dépendance. De l’autre côté du spectre, leurs enfants et petits-enfants se retrouvent face à des enjeux de construction et de valorisation de leur patrimoine dans le but d’anticiper leurs moments de vie, et principalement de s’assurer des revenus à la retraite. Le contexte économique tel qu’il se dessine ne permettra pas de réaliser les investissements à hauteur des problématiques évoquées. Si nous ajoutons les projections démographiques, l'équation ne trouve plus de solution. Cette dichotomie crée d’ores et déjà une tension inévitable entre les générations et elle s’exacerbera dans le temps.
Le conseil patrimonial : un service pacificateur attendu
Pour naviguer ce transfert complexe, le conseil patrimonial joue un rôle crucial, alors que 51% des clients concernés gèrent leur patrimoine de manière autonome (3), et s’orientent de manière croissante vers des conseillers en gestion de patrimoine indépendants. Un conseil efficace doit considérer l’intégralité de la situation patrimoniale de la famille, y inclus celle des enfants. Il se base sur une analyse approfondie des données personnelles. L’enjeu pour les réseaux de distribution est de mettre à profit les données existantes, et de proposer du conseil à cette clientèle. Des clients qui se disent prêts à 76% à partager plus de données personnelles pour accéder à des services en accord avec leurs besoins (4).
L’intergénérationnel une problématique complexe
Cependant, les institutions financières ne possèdent pas le système d’information donnant accès simplement à l’ensemble les données patrimoniales d’un groupe familial. Cette clientèle est à 68% multi bancarisées (3), ce qui complique un peu plus le service de conseil. Il est souvent perçu par les institutions financières comme consommateur du temps des conseillers et non facturable. Les différences comportementales des différentes générations nécessitent des approches différenciées mais cohérentes dans un contexte relationnel complexe. Finalement, le conseil patrimonial engage les institutions et donc leur fait porter un risque financier. Dans un réseau de distribution, le temps est compté, l’expertise patrimoniale est rare et l’on ne s’égare pas à conseiller son client, tout est orienté pour vendre des produits.
Un potentiel important de création de valeur
Cette transition inéluctable doit passer par un changement de paradigme : les clients patrimoniaux sont prêts à acheter des services à valeur ajoutée. Une analyse (5) menée auprès de 5 000 clients patrimoniaux français révèle que chaque fois qu’un conseil patrimonial payant sur le thème de la transmission est proposé, il est acheté. Il engendre en moyenne 60 000 euros de collecte additionnelle et 20 000 euros de transformation immédiate en placements. Ces rendez-vous familiaux, proposés par les conseillers financiers, permettent de découvrir le patrimoine réel des clients, et de trouver des solutions de transmissions qui alignent en amont les intérêts des différentes générations. De manière incidente, ils donnent accès aux à des informations qualifiées sur les ayants-droits. En proposant un conseil de qualité, les institutions financières transforment ainsi un défi en un levier de croissance durable et de fidélisation intergénérationnelle.
De plus, la capacité à collecter des données exhaustives et de qualité, conditions essentielles pour offrir des conseils sur mesure, puis à intégrer l’intelligence artificielle dans leurs modèles permettra aux institutions financières de se préparer à l’avenir. En exploitant pleinement les potentialités de la data et de l’IA, elles pourront affiner leurs services, améliorer la satisfaction client et anticiper les besoins émergents. Cela pérennisera leur position dans un environnement en constante évolution, tout en répondant mieux aux attentes des millénials d’utiliser des outils digitaux pour la gestion de leur patrimoine.
1. Insee, enquête Histoire de vie et Patrimoine 2021 x Insee, Pyramide des âges 2024
2. Bulletin banque de France janvier/février 2024
3. Etude IPSOS Septembre 2018 : les patrimoniaux : qui sont-ils ? Quels sont leurs placements, leurs usages et leurs projets ?
4. Comprendre la complexité des attentes des consommateurs (Enquête mondiale, Opinium juin 2021)
5. Observation sur 5000 foyers fiscaux ayant un patrimoine global moyen de 1.3 million d’euros
Plus d'articles du même thème
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions