« Dirigeants, arrêtez de vivre dangereusement »

C’est peut-être un juste retour des choses. Sans que l’on ne s’explique vraiment pourquoi, le notaire, notable historiquement incontournable, personnage de roman même parfois, de tous les secrets et de tous les moments d’une vie d’une famille française, a petit à petit été écarté du monde des affaires. Pourtant, il a su évoluer avec son environnement et s’approprier les technologies les plus innovantes. Longtemps, il a été l’homme de toutes les situations. Et il le reste, plus que jamais.
Les chefs d’entreprise doivent anticiper. Pourquoi ? Parce que jamais le cadre dans lequel tout chef d’entreprise évolue n’a jamais été aussi mouvant et imprévisible. Jamais les règles n’ont changé aussi souvent, les familles se composent et se recomposent, les carrières se font et se défont, les alliances se nouent et se dénouent, le tout entrainant son lot de conséquences sur le dirigeant, mais aussi sur l’entreprise tout entière. Par manque d’informations ou par manque d’anticipation, trop souvent les chefs d’entreprise ne se sont pas posés les bonnes questions avant. Et doivent alors gérer comme ils le peuvent sur le moment.
Les notaires retrouvent leur place, aux côtés des experts-comptables et des avocats. Prise de conscience ou lassitude de vivre dangereusement, la situation est pourtant en train de doucement évoluer et les notaires de rentrer à nouveau dans le jeu. La nature ayant horreur du vide, les conseils juridiques puis les avocats et les experts comptables ont occupé l’espace trop longtemps laissé vacant. Les trois professions ne sont pas antinomiques, bien au contraire, chacune ayant sa compétence et son expertise. Les trois sont complémentaires. Mais aucune ne peut prétendre en remplacer une autre. Chacun est donc en train de retrouver son périmètre et c’est tant mieux, car c’est le dirigeant qui en sort gagnant.
Aller plus loin dans le conseil au dirigeant. Le notaire, conseiller des dirigeants et des entreprises, le concept paraît novateur. Pour être juste dans l’analyse, il faut reconnaître que la profession est déjà présente auprès des dirigeants, notamment lorsque l’entreprise est d’ordre patrimoniale, davantage encore quand la famille de l’entrepreneur y est impliquée. Il incarne le tiers de confiance, celui dont la valeur ajoutée réside en son approche patrimoniale et globale. Les transactions immobilières et leur financement, la création et la modification de sociétés civiles immobilières (SCI), les montages de transmission ou donations d’entreprise au niveau familial, la mise en place des pactes Dutreil, la prévention des risques sur la personne du dirigeant, la mémoire documentaire sont des compétences reconnues par les acteurs du monde économique. Il faut pourtant penser et aller plus loin. Ne plus craindre par exemple de vouloir devenir vis-à-vis du chef d’entreprise un interlocuteur incontournable en matière de droit des affaires stricto-sensu.
Un domaine d’intervention du notaire vaste. Aujourd’hui, sans le savoir, nombre de dirigeants vivent dans un flou juridique qui fragilise leur organisation au moindre imprévu. Qu’en est-il de l’organisation, de la répartition des parts, de la prévention en cas d’accident de la vie, de l’optimisation de l’immobilier d’entreprise ? Comment mener à la fois le développement du business et la gestion de son patrimoine financier et immobilier ? Le notaire est le seul à pouvoir intervenir sur les deux aspects en même temps. Il est de fait au centre des préoccupations business du dirigeant, maniant le droit des affaires en parallèle de sa double expertise en droit civil et droit fiscal. La fiscalité, si mouvante en France, est ainsi un champ évident de possible implication du notaire auprès du dirigeant, autre porte d’entrée d’une collaboration plus étroite.
Etendre ces compétences à tout le territoire national. Certains l’ont d’ores et déjà bien compris. On le constate notamment dans et autour de villes moyennes, partout en France, là où les autres professionnels du droit sont moins présents. Sur ces territoires, plus de la moitié de l’activité et donc du CA de certaines études notariales, est réalisée sur la spécialité du droit des affaires. Le notaire occupe ce rôle clé de pivot au cœur d’environnements économiques et juridiques de plus en plus complexes et codifiés. L’objectif est désormais d’étendre cela à l’ensemble du territoire. Que tout fondateur d’une start-up sache que pour une problématique juridique liée au développement des fonds de commerce numériques, il peut faire appel à un notaire. Que tout dirigeant concerné par les cessions de contrôle renforcées par la force exécutoire de ses actes authentiques, la mise en place de gouvernances et de pactes d’associés entre membres d’une même famille, l’organisation de l’entreprise confrontée aux risques, les applications de la loi Dutreil en termes de transmission d’entreprise, autant de sujets qui doivent être anticipés, sache qu’il peut faire appel à un notaire.
Un conseil à haute valeur ajoutée. Notre profession a besoin d‘horizons nouveaux, de challenges, de défis à relever. Ce conseil à valeur ajoutée auprès du dirigeant ne peut que renforcer la notion d’excellence déjà prégnante dans l’exercice du métier de notaire. Les confrères qui possèdent une appétence pour le monde de l’entreprise doivent s’y engager sans réserve, avec la même passion qui les anime par ailleurs. Il n’existe nul obstacle et, au contraire, un marché nouveau, certes concurrentiel, sur lequel la profession a toute sa place. Soyons transparents jusqu’au bout. Cette nouvelle donne sera un système gagnant / gagnant. Les chefs d’entreprise se construiront un présent et un avenir plus serein et moins incertain. Les notaires, eux, verront s’ouvrir de nouveaux horizons, une nouvelle compétence à faire grandir. Notre profession, qui a su digérer la digitalisation et les dernières évolutions législatives, a toutes les capacités pour prendre sa place dans le monde des affaires avec les compétences qui sont les siennes. Un juste retour des choses.
Lire l’entretien avec Hubert Fabre dans le prochain numéro : n°710 p.12.
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