Pour une réintroduction du droit de prélèvement de l’héritier lésé

Dans le cadre des successions comportant un caractère international, il est parfois fait application d’une loi successorale civile étrangère qui ne connait pas la réserve héréditaire. Le cas échéant, un dispositif (1) permettait antérieurement à l’héritier français lésé de prélever sa part de réserve sur les biens situés en France. Cette mesure a été déclaré inconstitutionnelle en 2011 par une décision des sages du 5 août 2011 (1). L’institution a en effet considéré que ce droit de prélèvement ne respectait pas le principe d’égalité devant la loi, le dispositif ne bénéficiant qu’au seul héritier français lésé, à l’exclusion de l’héritier d’une nationalité différente.
Plaidoyer pour rétablir le droit de prélèvement. Dans une question ministérielle du 13 janvier 2015, la député Gilda Hobert propose de «combler le vide juridique» qui s’est créée. Elle souhaite le rétablissement de ce droit de prélèvement en respectant le principe constitutionnel d'égalité, quelle que soit la nationalité de l’héritier lésé par la loi successorale, ainsi que le suggère le Conseil constitutionnel «dans les considérants de sa décision» rappelle la parlementaire. Pour appuyer son propos, elle relève que cette mesure ne serait pas incompatible avec le règlement européen sur les successions internationales qui entre en vigueur cette année: «L’application du droit de prélèvement, qui peut permettre à l’héritier, justement, de compenser une absence éventuelle de réserve, ne priverait pas de tout effet utile le règlement de 2012». A noter qu’une proposition de loi allant dans le même sens avait été déposée le 23 janvier 2013.
A qui s’appliquerait le droit de prélèvement? Rama Chalak, avocat associé à Paris et spécialisé en successions internationales, rappelle que le droit de prélèvement a un champ d’application relativement restreint à savoir : « une succession soumise à une loi étrangère dans laquelle il y a des héritiers ab intestat français qui sont soit exclus de la succession étrangère soit se voient procurer des droits moindres que ceux que leur aurait attribués la loi française. Enfin, le droit de prélèvement suppose qu’il y ait des biens successoraux situés en France ». A noter aussi que la compatibilité avec le règlement européen sur les successions internationales serait, selon certains observateurs, discutable, l’un d’entre eux nous confiant que « l’idée du règlement européen c’est d’éviter un morcellement du règlement de la succession et de favoriser une professio juris. Or, le droit de prélèvement va à l’encontre de ces principes puisqu’il consiste à calculer les droits d’un héritier ab intestat si la loi française était appliquée, loi que le de cujus a voulu écarter en faisant le choix d’une loi étrangère dans les conditions prévues par le règlement».
(1) Loi du 14 juillet 1819
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