« L’interprofessionnalité prévue par la Loi Macron n’assure pas l’indépendance et l’impartialité du notariat »

Cet entretien est proposé en complément de l’enquête dédiée à la loi Macron, publiée dans le numéro 657 du 24 juillet de l’Agefi Actifset accessible en ligne ICI.
L’Agefi Actifs - Le tarif des notaires doit être revu dans les six mois de la promulgation de la loi. Avez-vous déjà une idée des modifications qui vont être apportées au tarif actuel ?
Didier Coiffard - Pour le moment il est encore trop tôt pour répondre à cette question. Le texte donne les lignes directrices: rémunération raisonnable, prise en compte des coûts pertinents, maintien d’une péréquation des tarifs assurée par une rémunération proportionnelle pour les biens supérieurs à une valeur qui sera fixée par décret. A ce jour nous ne connaissons pas ce seuil.
Deux voies s’offrent au ministère de l’économie, soit une approche par acte ce qui sera très complexe, soit une approche globale du niveau de rémunération de la profession.
La taxe de péréquation peut considérablement affecter l’équilibre économique des études si elle ne se situe pas à un niveau bas et sur une assiette large, et cette assiette large implique que toutes les professions qui font des prestations juridiques y participent sur la totalité de ces prestations ce qui doit inclure les avocats pour toutes leurs activités et les experts-comptables pour les prestations juridiques qu’ils accomplissent.
Que pensez-vous des mesures favorisant l’interprofessionnalité?
Elles sont dangereuses car elles n’assurent pas l’indépendance et l’impartialité du notariat en le mettant sous contrôle des experts comptables qui peuvent avoir des capitaux extérieurs dans leur actionnariat. Il en est d’ailleurs de même de ces fameuses Alternative Business Services de droit anglais qui exercent le métier d’avocat qui vont se voir confier le sceau de l’Etat en participant à ces sociétés interprofessionnelles. Comment expliquer que l’ordonnance du 19 septembre 1945 régissant les experts comptables n’ait pas été modifiée en ce qu’elle implique que ces derniers aient 2/3 des droits de vote, sauf à comprendre que ces structures devront leur accorder obligatoirement une telle majorité. Comment expliquer que les commissaires aux comptes qui assurent le contrôle de légalité des comptes sociaux soient exclus des sociétés interprofessionnelles afin de préserver leur impartialité et leur indépendance alors que les notaires qui assurent le contrôle de légalité des actes juridiques n’ont pas eu le même traitement. La réponse est que ce texte n’est pas fondée sur la raison mais sur des considérations purement politiques.
Concernant l’installation, comment s’effectuera l’entrée en vigueur des nouvelles règles?
Le texte donne les directions: carte définissant des zones de façon détaillées au regard de critères précisés par décret qui doit garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer de manière à ne pas bouleverser les conditions d’activités des offices existants. Mais le texte ne définit pas ce qu’est une zone carencée, sur quels critères, sur quel secteur géographique, sur la base de quels besoins. Quand je lis l’histoire de Sabrina jeune notaire sur le site du ministère de l’économie, je suis sidéré par l’invective que véhicule ce message comme si nous étions revenus à la pire période Montebourg. Mais il est vrai que si le ministre a changé, ceux qui en maitrisent la communication sont toujours là et n’en font qu’à leur idée comme si tous ces mois d’explications de ce qu’est la profession n’avaient servi à rien. Quand je lis qu’il y a des délais d’attente préjudiciables aux clients, c’est méconnaitre la vraie vie. Les fonctionnaires de Bercy ont dû se tromper dans leurs tablettes en prenant celle des déserts médicaux, pas celle du maillage territorial assuré par la profession qui compte 14 notaires pour 100.000 habitants quand la moyenne européenne est de 7 pour 100.000 habitants.
A lire dans l’Agefi Actifs du 24 juillet 2015, l’enquête sur les dispositions patrimoniales de la Loi Macron.
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