Les opérations entrent dans le champ du démarchage bancaire et financier

L’Agefi Actifs. - Vous avez traité des dossiers sur les investissements locatifs sous le dispositif Robien. Comment ont évolué les décisions des tribunaux?
Caroline Pipard. - Tous mes clients m’ont relaté les mêmes conditions de vente. On leur a fait miroiter un investissement rentable dans un marché locatif porteur. Souvent sans locataire à l’approche de la première date anniversaire, avec le risque de perdre l’avantage fiscal, ils ont compris que la demande locative promise était un leurre. En baissant le loyer de l’ordre de 30%, certains ont pu trouver preneur mais au prix d’un effort financier supplémentaire imprévu.
Par décisions fort bien motivées en août 2008, les juges du TGI de Toulouse ont retenu le dol pour annuler les opérations dans leur intégralité. Cependant, elles ont été infirmées par la Cour d’appel de Toulouse en janvier 2010. Le TGI de Toulouse s’est alors aligné sur ces arrêts et n’a plus retenu le dol pour les victimes ultérieures des mêmes opérateurs dans la même résidence, malgré les baisses de loyer, alors qu’elles apportaient des éléments de preuve nouveaux démontrant que la Cour d’appel avait pu être abusée. Il a paru préférable de délocaliser ces contentieux vers Paris.
Quel autre moyen de nullité peut être avancé ?
- Les récents jugements obtenus à Paris sont très intéressants en ce qu’ils ont retenu la qualification de démarchage bancaire et financier, par opposition au démarchage de droit commun. En effet, l’opération, quoique reposant sur l’acquisition d’un bien immobilier, entre dans le champ d’application du Code monétaire et financier car elle s’analyse bien comme l’acquisition de droits réels sur un bien géré par un tiers, outre la vente associée d’un prêt bancaire également visé par le Code monétaire et financier. Une telle qualification ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour les victimes aux fins de nullité compte tenu du délai de rétraction de 14 jours non respecté, quel que soit le type d’investissement locatif.
Et quand il n’y a pas de démarchage... ?
- La nullité a été prononcée dans un jugement du 20 juin 2014 pour non-respect des règles d’ordre public imposant le délai de réflexion de dix jours, le tribunal prenant soin de vérifier si l’investisseur avait réellement bénéficié de ce délai malgré les dates figurant sur les actes émis par la banque, servilement reprises par le notaire. Comme les contrats du package forment un tout indivisible, l’annulation du contrat de prêt a entraîné la nullité de l’intégralité de l’opération.
Les investisseurs sont-ils remboursés et indemnisés ?
- Les condamnations consistent principalement en restitutions, à la seule charge du cocontractant, à savoir le vendeur: il doit restituer à l’investisseur principalement le prix d’achat et les charges de copropriété. Encore faut-il qu’il soit solvable. Or, généralement, les promoteurs créent une SCI à faible capital qui souvent, au moment des condamnations, n’existe plus ou est devenue une coquille vide. De leur côté, les démarcheurs ne sont condamnés qu’aux dépens.
Quant aux demandes d’indemnisation de l’investisseur pour perte de chance de se constituer le patrimoine annoncé, perte de l’avantage fiscal, préjudice financier et moral, il est à déplorer qu’elles soient rejetées, laissant hors de cause les sociétés de promotion et de distribution dont le nom apparaît sur la documentation commerciale. Les juges considèrent que les investisseurs ont manqué de vigilance alors qu’ils sont censés protéger le consommateur de tels professionnels.
En l’état actuel de la jurisprudence du TGI de Paris, l’investisseur doit mettre en balance d’un côté la durée, le coût d’une procédure et les loyers qu’il devra rendre et de l’autre les sommes qu’il peut espérer récupérer; parmi celles-ci figure toutefois l’intégralité du prix de vente, option inespérée quand le bien a été fort surévalué et/ou que la revente est aléatoire, même avec une importante moins-value.
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