«La politique du logement renvoie à un double dilemme récurrent»

Les premières annonces en matière de politique du logement semblent s’inscrire « en même temps » dans une certaine continuité (rejet d’un arrêt brutal du prêt à taux zéro (PTZ) ou du dispositif Pinel par crainte d’un recul de la construction) et dans une logique de réforme structurelle (réduire un budget de 41,7 Md€ en 2016 et casser le cercle vicieux entre les aides et les prix). Si la tonalité du discours peut sembler nouvelle, d’autant qu’il s’accompagne d’une vision peu flatteuse de l’immobilier souvent assimilé à une rente, il renvoie sur le fond à un double dilemme récurrent et déjà ancien de la politique du logement. Faut-il en finir avec les mesures de solvabilisation de la demande (PTZ, Pinel…), certes efficaces pour soutenir la construction mais aux effets inflationnistes avérés, au risque d’accentuer la pénurie, le mal-logement et le chômage ? Faut-il réduire sensiblement les aides personnelles dont l’ampleur (20,9 Md€ en 2016) et la progression (67% en vingt ans) entretiennent le déficit public, voire la hausse des loyers, au risque de mettre en difficulté 6,5 millions de ménages modestes ?
La réforme délicate des aides personnelles
Les aides personnelles constituent effectivement le principal facteur contributif au quasi-doublement en vingt ans des crédits publics au logement. Après avoir été longtemps stimulées par la multiplication et l’extension des dispositifs, leur dynamique a été finalement ralentie par le choix, nécessairement provisoire, de la sous-indexation. L’épisode des cinq euros n’est donc que le dernier avatar d’une tentative de maîtriser la dérive d’un dispositif devenu, par la force des choses, un nouveau pilier de l’aide sociale. La polémique qui a suivi est doublement révélatrice. D’une part, s’il est légitime de remettre en cause l’organisation d’un système d’aides qui serait par nature inflationniste, la réalité perçue par les acteurs peut être totalement différente et cela ne signifie pas nécessairement que les loyers s’envolent : le nouvel indice de référence (IRL) ne peut plus techniquement s’éloigner de celui des prix à la consommation et l’augmentation moyenne depuis 10 ans des loyers de marché aurait été de l’ordre de 1% selon la base Clameur. D’autre part, l’expérience du ministère de Mme Duflot devrait rappeler qu’il peut être contre-productif de vouloir réformer en braquant les acteurs de la filière, surtout s’il s’agit de réduire les crédits.
Une réforme du régime étudiant et de nouvelles modalités de déclaration des ressources seraient de nature à contenir ce budget mais sans véritablement le réduire. La principale option, défendue par la Cour des Comptes dans son rapport de 2015, serait de le fusionner avec certains minima sociaux (RSA et PPE). Cette réforme, délicate à mettre en œuvre, favoriserait certes le retour à l’emploi et une meilleure équité des aides personnelles mais il est douteux qu’elle produise des économies substantielles avant 2018 ou 2019 compte tenu des délais de mise en œuvre, voire des risques de réaction sociale parmi les perdants potentiels de la réforme.
Le logement social n’a pas démérité
Le logement social a aussi bénéficié de l’envolée des aides avec une multiplication par 3 des crédits pour la construction et les travaux. Ce soutien a permis de dépasser le seuil des 100 000 logements sociaux financés par an, au profit de l’habitat en résidences et des logements très sociaux. A cet égard, la décennie qui vient de s’écouler montre que les bailleurs sociaux peuvent contribuer, avec l’aide des promoteurs privés, à préserver un socle significatif de mises en chantier, limitant les aléas conjoncturels. Revenir sur cet apport ou modifier substantiellement l’équilibre coopératif actuel avec les opérateurs privés ferait prendre au secteur un risque au moins aussi important que l’arrêt du Pinel. Pour autant, les bailleurs sociaux n’ont pas la capacité d’atteindre leurs objectifs en matière de rénovation et d’aller au-delà des 120 000 constructions ou acquisitions. Dès lors, il semble nécessaire de mobiliser d’autres acteurs pour dépasser le rythme actuel d’activité, d’autant que l’accession a pris davantage de retard que le locatif ces dernières années.
Quel choc d’offre ?
Plusieurs autres options restent ouvertes. La plus simple consisterait à revenir sur le taux réduit de TVA sur les travaux. Evalué à 3,7 Md€ en 2016, il n’est certes pas nécessaire d’un point de vue macroéconomique. Toutefois, au-delà d’une incitation implicite au travail au noir, sa suppression pourrait conduire, avec le renforcement du statut de micro-entrepreneur, à une atomisation croissante du secteur de la construction à un moment où le bâtiment a besoin au contraire de tirer parti d’économies d’échelle pour gagner en productivité et en expertise.
Outre la maîtrise des aides personnelles, le gouvernement semble vouloir mettre l’accent sur un choc d’offre obtenu par une libération des contraintes réglementaires et une mise à disposition du foncier public et parapublic. Le prix du foncier en zones tendues est effectivement l’une des clefs pour répondre au déficit récurrent dans les métropoles urbaines. Il est à espérer que de telles intentions se traduiront en choix politiques puis en actes concrets. L’expérience des mesures de simplification prises lors de la précédente mandature ou des déclarations de libération du foncier faites depuis quinze ans engagent néanmoins à un certain scepticisme.
Des pistes alternatives
En revanche, une remise à plat des aides au logement privé ne serait pas à l’ordre du jour. Tout au plus devrait-on limiter le coût du dispositif Pinel. Pourtant, alors que l’accession reste le débouché le plus important et le plus prometteur de la construction, un renversement majeur s’est opéré : les aides à l’accession hors travaux qui étaient quatre fois plus importantes que le soutien aux bailleurs personnes physiques en 1990, n’en représentent plus que la moitié en 2016. Pourtant, alors que les besoins en logements intermédiaires sont aigus et que le bas niveau des taux d’intérêt offre un contexte privilégié pour le retour des investisseurs institutionnels, les aides restent destinées aux particuliers. Pourtant, si la promotion privée était moins artificiellement orientée vers le locatif, elle s’appliquerait davantage à rendre économiquement viable l’accession dans le collectif en zones tendues, ce qui permettrait de lutter contre le mitage territorial et la vulnérabilité économique des ménages accédant dans l’individuel, souvent exposés à des coûts d’usage insoupçonnés.
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