
Le rebond des prix du pétrole modifie le paradigme des marchés

Donald Trump a-t-il entériné la fin du pétrole peu cher? L’annonce par la Maison Blanche d’une sortie des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien dans des conditions plus dures qu’attendu a en tous cas fait remonter le cours de l’or noir à ses plus hauts niveaux depuis fin 2014. Si les marchés avaient intégré une «prime de risque géopolitique», depuis les sanctions imposées le 6 avril par les Etats-Unis envers la Russie, les cours du brut WTI et du Brent ont dépassé les 70 et 76 dollars par baril mercredi. «La production de pétrole iranienne s’est accrue d’environ 1 million de barils jour (bpj) depuis la levée des sanctions l’an dernier. Il y a des craintes que le retour des sanctions sur le cinquième producteur mondial fasse baisser la production mondiale de 300 à 600.000 bpj l’an prochain et intensifie les tensions sur les prix», explique ainsi Oxford Economics.
Période de wind-down de 180 jours
Ce regain de tensions géopolitiques intervient en outre dans un contexte de réduction mondiale de la production depuis l’accord passé entre les pays de l’Opep et la Russie qui l’a fait chuter d’environ 2 millions de bpj depuis 2016, ainsi que les stocks, alors que la demande progresse. Mohammad Sanusi Barkindo, secrétaire général de l’Organisation a d’ailleurs indiqué dès mardi à Reuters que ses efforts pour stabiliser le marché seront maintenus, malgré les mesures prises par les Etats-Unis. La crise au Venezuela a aussi entraîné une chute de sa production de 25% au premier trimestre à 1,7 million de bpj, son plus bas niveau depuis trente ans. Selon Reuters, l’Arabie saoudite vise des prix du pétrole entre 80 et 100 dollars qui satisferaient aussi la Russie, visée par des sanctions américaines.
Le marché n’envisage pas de crise pétrolière. Deutsche Bank rappelle «la période de wind-down de 180 jours sur les transactions liées au pétrole» et estime que «la production et les exportations ne devraient pas chuter avant novembre». Washington cherche d’ici là à convaincre un certain nombre de pays comme l’Arabie saoudite, d’accroître leurs exportations pour compenser la baisse de l’offre de l’Iran. L’Agence internationale de l'énergie (AIE) a estimé mercredi que l’Iran respecte actuellement les dispositions de l’accord sur son programme nucléaire, tandis que la Russie, la Chine, la France, et l’Allemagne se sont montrées déterminées à respecter cet accord, ce qui les expose à de potentielles sanctions américaines.
Point haut depuis 2014
Les niveaux de prix du pétrole sont supérieurs d’environ 20 dollars à leur moyenne enregistrée l’an dernier et en hausse de 50 dollars depuis leur point bas de début 2016, avec une hausse du prix moyen du baril qui atteint 16% en euro et 33% en dollar depuis un an. «Des prix du pétrole plus élevés constituent un risque pour les perspectives de croissance et d’inflation. Dans le cas où ils atteindraient 85 dollars au deuxième semestre de l’année et se stabiliseraient à ce niveau jusqu’à fin 2020, le PIB mondial serait inférieur de 0,6% à ses prévisions actuelles en 2020, alors que l’inflation dépasserait d’un point ses prévisions début 2019, et les rendements de 50 pb», estime Oxford Economics.
Le consensus anticipe une remontée de l’inflation américaine de 2,1% en 2017 à 2,5% cette année du fait de l’accélération de la croissance, mais à un niveau limité de 1,3% en zone euro. Les marchés se montrent pourtant déjà plus optimistes pour les deux zones, avec des points morts d’inflation à 10 ans qui ont progressé d’environ 50 pb depuis juin 2017, et sont revenus à leurs plus hauts niveaux depuis 2014, tant en Allemagne et qu’aux Etats-Unis. L’écart d’anticipations d’inflation entre les deux zones pourrait ainsi se réduire si le dollar poursuit son rebond face à l’euro, dans un contexte de maintien de conditions monétaires accommodantes de la BCE pendant au moins un an supplémentaire, et d’accélération du rythme de normalisation monétaire de la Fed anticipé au cours des prochains mois.
Le rebond des prix du pétrole est particulièrement dangereux pour les pays émergents. Si la faiblesse du dollar leur a jusqu’ici permis de baisser les taux et conserver des conditions attractives, favorables aux entrées de capitaux, la forte dépréciation de leurs devises depuis un mois les expose à la résurgence de l’inflation. Pour y répondre, ils pourraient ainsi être contraints de resserrer leurs politiques monétaires au détriment de l’activité, ou de se livrer à des interventions coûteuses sur le marché des changes.
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