Timo Toenges : « Le plan d’épargne en ETF est l’une des pierres angulaires de la stratégie de BlackRock »

BlackRock, numéro 1 de la gestion, met une inflexion forte sur les particuliers européens. Timo Toenges, son responsable de l’activité Digital Wealth pour la région EMEA, livre les grandes adaptations qui seront opérées.
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Timo Toenges  -  Jason Alden

En Europe, l’Allemagne ainsi que l’Autriche et l’Italie sont les marchés les plus matures concernant la distribution d’ETF auprès d’investisseurs particuliers. Comment expliquer cette avance ?

Timo Toenges : Il faut se tourner quatre ou cinq ans en arrière, période marquée par une conjonction de facteurs particulièrement favorables pour l’investissement des particuliers. A l’époque, les taux d’intérêt très bas voire négatifs ont conduit les ménages à envisager d’investir pour la première fois. A cela s’est ajoutée la période de pandémie qui a donné l’opportunité aux investisseurs de disposer de temps pour réfléchir depuis chez eux à leurs finances. Enfin, un troisième élément primordial a été l’arrivée sur le marché de nouvelles plateformes digitales, nombre d’entre elles lancées en Allemagne, proposant des solutions d’investissement simples à base d’ETF (Exchange traded funds). Cette combinaison d’événements a amené des millions de nouveaux investisseurs à s’exposer pour la première fois aux marchés financiers.

L’Allemagne a été pionnière en matière de plans d’épargne en ETF (ETF savings plans) et est devenue en l’espace d’un peu plus de dix ans le marché le plus concurrentiel d’Europe continentale avec des millions de particuliers investissant sur le long terme à travers ces plans. Le nombre de plans d’épargne en ETF y a été multiplié par douze depuis 2016. D’autres pays comme l’Autriche, l’Italie, la France ont suivi à la faveur de la percée de plateformes digitales. Selon une enquête réalisée par extraETF pour BlackRock, le nombre de plans d’épargne en ETF exécutés chaque mois en Europe continentale devrait quadrupler d’ici à fin 2028 à 32 millions, dont le tiers en dehors de l’Allemagne.

Dans ces pays et globalement en Europe, quels sont les modes de distribution privilégiés ?

Les canaux traditionnels, intermédiés, sont toujours les voies de distribution majoritaires et représentent de 50 à 70 % du marché. Mais le secteur est en train de changer fondamentalement avec l’apparition de plateformes digitales et de propositions de gestion libre, permettant aux investisseurs de placer eux-mêmes leurs ordres en Bourse. Les encours des plateformes en ligne ont augmenté de 20 % par an depuis 2019 pour atteindre 2.000 milliards de dollars à fin 2022. Nous pensons que ce canal a un fort potentiel, et nous nous attendons à une poursuite de la croissance de ce segment de l’ordre de 15% par an dans les années à venir. Aujourd’hui, le canal numérique permet de faire tomber les barrières pour les particuliers qui investiraient pour la première fois, notamment à travers les ETF, qui ouvrent l’accès à l’investissement de manière simple et peu coûteuse.

Nul besoin d'être un expert des marchés financiers pour être un investisseur. Nous travaillons avec tous nos partenaires au sein de l’industrie pour développer des contenus pédagogiques clairs et accessibles à l’intention de leurs clients : l’éducation à l’investissement est l’une des dimensions clés de nos partenariats et joue un rôle essentiel dans la démocratisation de l’investissement.


On voit se lancer de plus en plus d’applications mobiles qui donnent accès à des parts d’ETF moyennant 1 ou 2 euros. Quel est votre regard sur ces innovations ?

Nous sommes favorables aux innovations qui rendent les fonds listés encore plus accessibles auprès des investisseurs particuliers. Outre leurs coûts de transaction limités, nombre de ces plateformes donnent accès à des fractions d’ETF. Autrement dit, elles permettent aux investisseurs d’injecter exactement le montant qu’ils souhaitent, quand ils le veulent.

Le modèle le plus répandu en Europe est le suivant : le distributeur travaille avec un dépositaire qui détient les parts d’ETF. La plateforme achète une part entière d’ETF et crédite ensuite l’investisseur du montant correspondant à la quotité qu’il aura achetée (1, 5, 10 euros..). Ce modèle est adossé à la détention d’actifs réels, ce qui diminue les frictions dans le process. Il faut pour cela une infrastructure opérationnelle efficiente entre la plateforme et le dépositaire. Notre investissement l’an dernier dans Upvest, une fintech basée à Berlin et qui œuvre partout en Europe, était une façon pour nous de soutenir un acteur qui excelle dans ce domaine.

Et puis il y a une autre façon de faire, avec laquelle nous sommes moins à l’aise qui consiste à recourir à des dérivés. L’investisseur est ici exposé au risque de la contrepartie qui les émet. Nous ne sommes pas certains que les particuliers comprennent clairement ce type de montage. Nous croyons fondamentalement aux vertus de l’ETF, par essence transparent, et qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser un dérivé pour y être exposé.

Ces offres s’adressent particulièrement aux plus jeunes. Quelles sont leurs façons d’investir ?

Sur ce segment de clientèle, nous observons en Europe un comportement différent de ce que l’on a pu voir aux Etats-Unis à travers le recours au trading intraday ou l’accent mis sur des titres individuels.

Globalement, une grande majorité des personnes qui commencent à investir en Europe, en particulier les plus jeunes, et notamment ceux qui passent par des plateformes, sont devenues des investisseurs de long terme. Permettre au plus grand nombre d’épargnants de devenir investisseurs grâce notamment aux plans d’épargne en ETF est l’une des pierres angulaires de notre stratégie. Cette innovation passera par l’investissement automatisé par abonnement selon une périodicité et un montant établis. C’est un concept qui existe depuis des décennies notamment à travers l’investissement programmé dans des fonds communs de placement, et qui fait sens à la fois pour la plate-forme et pour le client final. Ce qui est nouveau, c’est la manière de le positionner pour le client final.

Concernant la plateforme, l’abonnement évitera le phénomène de comptes vides. On observe parfois des épargnants qui s’inscrivent et n’investissent jamais. Le versement programmé est donc un excellent modèle commercial. Mais ce qui nous importe, c’est l’investisseur final. Investir régulièrement chaque mois permet de lever des barrières. En injectant une somme importante sur les marchés financiers, le client devient anxieux face à la volatilité des cours. En revanche, lorsque cet investissement est périodique et de faible montant, cette crainte se dissipe et l’investisseur ne s’en soucie plus autant. Le client participe simplement aux marchés au fil de l’eau dans une optique de long terme. Un usage vertueux à l’opposé du trading. C’est pour nous un concept fantastique.

Cette multiplication des points d’entrée ne vient-elle alourdir la facture ?

L’avantage des plans d’épargne en ETF réside dans le fait que chaque jour, l’ensemble des ordres sont rassemblés et traités en une fois, de sorte que le coût devient marginal pour le client individuel. En général, il n’y a pas de frais pour souscrire à des plans d’épargne en ETF sur ces plateformes digitales. Leurs modèles de rémunération peuvent varier soit avec une retenue sur le montant des actifs sous gestion, soit en appliquant des frais de trading aux ordres non liés à des plans d’épargne. Certains acteurs ont mis au point des offres type Premium avec la gratuité de certains ordres. Il y a plusieurs façons de faire.

De quelle façon la montée en puissance des plateformes digitales et autres néobrokers bouscule-t-elle votre écosystème ?

Le plus grand changement est de devoir adapter tout ce que nous faisons et tout ce que nous pouvons apporter aux plateformes et à ce nouveau public. En Europe, traditionnellement, les ETF étaient des produits davantage utilisés dans l’espace professionnel et institutionnel. Ainsi, une grande partie des ressources éducatives et pédagogiques que nous prodiguons seront adaptées à un public de particuliers pour les rendre conviviales et accessibles. C’est probablement le plus grand changement que nous devons accomplir. Puis il faut aussi réfléchir aux besoins de ce public afin d’adapter notre offre à leurs objectifs. Cela peut passer notamment par des solutions d’investissement qui les aideront à financer les grandes étapes de leur vie.

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