
Ambassadeurs, groupes de travail, ChatGPT interne : comment l’IA générative s’invite dans le quotidien de la finance

Dans de nombreuses sociétés financières, les employés composent ou commencent à composer avec cette collègue peu banale qu’est l’intelligence artificielle générative. Qu’elle s’appelle ChatGPT, Mistral AI, Copilot ou encore Claude, il faut du temps et de la pédagogie pour l’introduire de la manière la plus adéquate auprès des salariés dans le cadre de leurs tâches quotidiennes. Cette phase d’acculturation et de formation a été la première partie d’un plan de mise en œuvre global de l’IA générative sur l’ensemble de ses métiers par le groupe financier Lazard. «Nous avons développé un Lazard GPT, un ChatGPT avec des conditions de confidentialité et avons mis en place une formation à laquelle a été convié l’ensemble de nos collaborateurs et qui a été très appréciée. A ce jour, un peu plus de 50% d’entre eux ont été formés à ce nouvel outil interne. Nous avons établi des cas pratiques pour l’utiliser», a témoigné Alain Albizzati, chef de projet IA et responsable de la gestion quantitative chez Lazard Frères Gestion, filiale de gestion d’actifs française de Lazard, lors de l’AM Tech Day, organisé par L’Agefi ce mardi 8 octobre.
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La deuxième phase du projet a consisté en un état des lieux sur l’ensemble des solutions d’IA pouvant être utilisées en gestion d’actifs et de travailler avec des prestataires sur le sujet. Pour le dernier volet, trois groupes de travail en fonction des métiers ont été constitués. La conception des outils IA se fait sur la base du volontariat chez Lazard Frères Gestion, chacun des groupes a ses ambassadeurs. C’est-à-dire des personnes intéressés par le sujet de l’IA qui perçoivent comment mettre en place l’IA de manière efficace dans leurs métiers et qui vont faire remonter des besoins spécifiques. «Après un Innovation Day en novembre, nous allons sélectionner des solutions soit externes soit développées en interne avec des spécialistes des données (data scientists). Le comité exécutif prendra des décisions en fin d’année prochaine pour une mise en place l’année suivante», a précisé Alain Albizzati.
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Engouement
L’approche de Société Générale Securities Services sur l’IA remonte, elle, à une dizaine d’années, aux débuts de l’apprentissage par la machine (machine learning). L’asset servicer a fait appel à des fintechs face aux évolutions du marché pour des cas d’usages ciblés comme la génération de commentaires automatiques pour les gérants de fonds et a construit des compétences en interne sur l’IA en parallèle. S’exprimant dans le cadre de l’AM Tech Day, Franck Bonte, directeur adjoint de la transformation et des nouvelles technologies et directeur des services informatiques de SGSS note que beaucoup d’employés ont voulu s’essayer à l’IA. Il a fallu ménager l’engouement des équipes en plaçant un cadre d’utilisation, pour établir une frontière avec l’extérieur. Il a également fallu ramener vers l’IA les employés qui avaient été quelque peu échaudés par la précédente formation au machine learning.
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«L’IA apporte beaucoup d’informations supplémentaires. Il s’agit d’une véritable augmentation pour les opérationnels. L’effet magique un peu ludique et les réticences se sont effacés. Nous sommes revenus à un processus traditionnel face à une technologie nouvelle», a expliqué Franck Bonte. «Il faut déterminer l’apport et le retour sur investissement de chaque cas d’usage et rappeler aux collaborateurs que l’IA ne les remplacera pas. Dans les métiers du secteur financier, on ne peut pas s’affranchir d’un standard de qualité à 100%. On ne peut pas faire de règlement-livraison de titres à 80% parce que l’IA a jugé que c’était bon», a-t-il ajouté. Concernant le rapport de l’individu à l’IA, vu davantage comme un assistant que comme un collègue, Franck Bonte relève l’importance du mélange des cultures de l’IA entre les différentes équipes de SGSS en France et en Inde pour accélérer son usage et constate que la traduction de leurs échanges en temps réel sur la plateforme Teams de Microsoft a changé de manière positive les rapports humains.
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Avantage IA
La Française a également dissocié le machine learning, qui sied davantage aux équipes de gestion quantitative, et l’IA générative. Le pôle de gestion d’actifs du Crédit Mutuel Alliance Fédérale a réparti ses salariés en cinq groupes pour la période d’acculturation : gestion cotée, gestion non cotée, fonctions commerciales/marketing, fonctions supports/ressources humaines et juridiques, international). «Nous avons procédé en deux phases. Une phase d’acculturation générale pour rappeler ce qu’est l’IA et comment ça fonctionne puis une phase plus spécifique aux cas d’usages de chaque groupe. Nous avons identifié trois ou quatre personnes comme porte-parole de leur activité, de manière à faire remonter les cas d’usages propres à leur activité qui leur paraîtraient intelligents. Nous avons agrégé les réponses en deux blocs. D’un côté, les cas transversaux comme la traduction, pour lesquels nous avons plutôt travaillé à l’intégration de prestataires dans notre modèle IT. De l’autre côté, les cas spécifiques qui touchent à la réalité de nos métiers sur lesquels nous développons des outils», a décrit Christophe Descohand, directeur de la transformation digitale de La Française, à l’AM Tech Day.
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Le niveau de formation et d’utilisation de l’IA varie selon le poste et le profil, a observé Christophe Descohand, «convaincu que l’IA ne remplacera jamais l’individu mais que l’individu qui exploite l’IA remplacera celui qui ne l’exploite pas». Pour lui, l’IA doit toucher 100% de l’entreprise mais de manière différente. Le défi ? Réussir à convaincre de l’avantage compétitif que peut apporter un outil d’IA générative. La Française a récemment mis en place des binômes intergénérationnels afin d’accélérer le partage de connaissances et d’expérience vis-à-vis des outils d’IA générative et «ce n’est pas toujours celui qu’on croit qui va apprendre à l’autre», selon son directeur de la transformation digitale.
Pilier de projets
De son côté, le consultant Accenture a investi 3 milliards de dollars sur l’IA générative. Tous ses collaborateurs ont suivi une formation avant que des outils ne soient déployés pour les assister. Intervenant à l’AM Tech Day, Julien Sabbah, senior manager asset management lead chez Accenture, a évoqué l’accompagnement des sociétés de gestion dans l’adoption de l’IA générative.
«Il y a un sujet de chronologie et de maturité. Cette technologie reste assez nouvelle, évolue très vite et quand elle est sortie, très peu d’acteurs avaient la volonté ou l’ambition de se lancer dans une transformation d’envergure basée sur l’IA générative. Il a fallu une approche plus tactique dans un premier temps sur un cas d’usage, pour voir quelle pouvait être la valeur ajoutée générée. Il fallait d’abord découvrir la technologie pour acculturer les équipes», a-t-il développé, pointant que les jeunes générations devaient être sensibilisées sur les aspects de sécurité et de conformité des outils IA.
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Le consultant préconise les transformations à l’échelle, estimant le cas par cas limité et les gains qui en sont tirés peu élevés. Mais l’IA doit être incluse dans les projets touchant à l’opérationnel, dès leur démarrage. «Il faut un pilier d’IA générative dans vos projets sinon vous êtes dans le monde d’hier. Il faut y travailler dès maintenant, indépendamment des transformations lancées. L’acculturation joue un rôle important pour embarquer une équipe projet et l’aspect data est tout aussi fondamental», a indiqué Julien Sabbah. Pour le consultant, les compétences en data doivent être musclées dans les effectifs des sociétés de gestion. Quant à la formation des employés à l’IA générative, elle doit être continue. Des gains d’efficacité opérationnelle de 15% à 20% peuvent être obtenus avec l’IA générative par les gérants d’actifs selon Accenture.
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