Les obligations de l’Union européenne bénéficient d’une possible reclassification dans les indices

MSCI et ICE ont entamé des consultations pour une éventuelle inclusion de ces titres dans la catégorie «souveraine», et non plus «supranationale». ce qui a déjà suffi à améliorer leur performance.
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Les dirigeants de l’UE poussent dans le sens de cette reclassification dans la catégorie «souveraine» depuis le début du programme NGEU.  - 

Les gestionnaires de fonds se rueraient sur les obligations de l’Union européenne (UE) en anticipant un changement majeur dans leur statut qui ouvrirait la dette du bloc à un plus grand nombre d’investisseurs. En effet, MSCI a lancé cette semaine une consultation sur la question de savoir si la dette de l’UE devait être reclassée dans ses indices en catégorie «souveraine», et non plus «supranationale» - même si certains indices SSA ont à la fois une poche «souveraine» et une poche «supranationale». Une décision sera prise après cette enquête, qui se terminera fin mai, tandis que Intercontinental Exchange (ICE) a lancé une consultation similaire en avril, pour une décision attendue en août. D’autres fournisseurs tels iBoxx S&P et Bloomberg Index Services n’ont pas encore ouvert de consultations formelles, mais pourraient en discuter lors des révisions d’indices au quatrième trimestre, estiment les analystes de Barclays. Pour FTSE Russell, propriétaire de l’indice de référence WGBI, le sujet était «dans le radar».

Obstacles possibles ?

Si la perspective a suffi à effacer la prime que certaines obligations européennes payaient par rapport aux obligations françaises pourtant moins bien notées depuis deux semaines, le sujet reste complexe. L’UE est politiquement divisée sur de nombreux aspects traditionnels liés à la souveraineté, y compris la possibilité de nouvelles émissions conjointes de dette, au-delà des plans paneuropéens SURE (jusqu’à 100 milliards d’euros pour financer les aides au chômage pendant le Covid) puis Next Generation (jusqu’à 750 milliards d’euros pour financer les investissements d’avenir NGEU). Les fournisseurs d’indices classent actuellement les 515 milliards d’euros d’obligations éligibles à l’indice dans la catégorie «supranationale», aux côtés des dettes des banques de développement publiques et autres prêteurs multilatéraux. Du point de vue des marchés, ces dettes ressemblent à des obligations d’Etat, estiment des gestionnaires comme JPMorgan AM, Royal London AM ou Barings, cités par Bloomberg comme favorable à une inclusion dans la catégorie «souveraine». C’était aussi le cas pour 80% des investisseurs interrogés par la Commission européenne en septembre 2023.

Mais il demeure «une certaine ambiguïté» puisque l’UE n’est pas techniquement un Etat souverain. Un obstacle potentiel à la reclassification vient du fait que, selon les règles actuelles, l’UE cessera ses emprunts nets supplémentaires à partir de 2026, lorsque son programme NGEU expirera. Des discussions sont en cours pour d’éventuelles émissions supplémentaires devant financer des priorités telles que la défense et la transition écologique, mais des pays comme l’Allemagne y restent a priori opposés. Il y a aussi cet argument selon lequel l’UE n’est pas techniquement un gouvernement indépendant et doté du pouvoir de collecter l’impôt, ajoute Mark Dowding, directeur des investissements chez RBC BlueBay AM. «C’est le principal point de friction pour les fournisseurs d’indices, même si l’UE présente certaines caractéristiques ‘étatiques’, comme un budget annuel ou un pouvoir de taxation indirect via ses Etats membres, complète Ninon Bachet, stratégiste taux chez Société Générale CIB. L’inclusion de l’UE nécessite donc seulement de modifier leur définition d’un émetteur ‘souverain’, tandis que d’autres critères liés à la devise, à la taille minimale de l’encours et à la notation des obligations seraient selon nous facilement remplis» pour l’essentiel des souches concernées.

Ces obstacles semblent donc surmontables pour des fournisseurs d’indices gênés plus qu’autre chose par le poids considérable de ces obligations européennes dans leurs indices «supranationaux» - plus d’un cinquième chez Bloomberg contre moins de 5% il y a quatre ans. La poursuite des émissions en cours pourraient les amener à plus de 60% de certains indices d’ici à 2026, selon une étude Barclays.

Citigroup, Commerzbank SA, JPMorgan ou Société Générale CIB prévoient une réelle surperformance de la dette de l’UE en cas d’intégration dans la catégorie «souveraine» - et inversement pour toutes les dettes des Etats souverains qui se verraient alors sous-pondérées. «Nous avons calculé la part que l’UE pourrait représenter dans les indices ‘souverains’ européens, indique Ninon Bachet. Elles représenteraient à terme entre 5% et 6% des indices de référence en obligations d’Etat européennes (c’est aussi le calcul chez MSCI et ICE, ndlr). En regardant de près les investisseurs qui seraient intéressés et/ou amenés à rebalancer leur portefeuille en conséquence, cela ferait entre 5 et 10 milliards d’euros de flux ‘entrants’.»

Les dirigeants de l’UE, qui poussent dans ce sens depuis le début du programme NGEU, espèrent également qu’une telle reclassification pourrait réduire leur coût d’emprunt. Une attente confortée par les dernières évolutions du marché : les obligations AAA du bloc ont en effet surperformé celles de ses Etats membres depuis deux semaines, et les analystes de Citigroup estiment que les 5 à 10 points de base récemment gagnés (selon les maturités à 10 ans ou à 30 ans) sur les spreads français sont dus à cette spéculation sur le changement de catégorie dans l’indice. Une telle meilleure visibilité pourrait également encore améliorer leur liquidité.

Enfin, un pool d’obligations de l’UE notées AAA plus important, alors que ces notations se font rares, pourrait renforcer l’euro en tant que monnaie de réserve, et améliorer la confiance dans la résilience du projet européen. Certains gestionnaires estiment même qu’une reclassification résoudrait d’un seul coup la pénurie régulière de titres sûrs, utilisés comme garantie, notamment pour obtenir des liquidités auprès de la Banque centrale européenne (BCE). Si cette dernière accepte la dette de l’UE en collatéral, elle n’est pas largement utilisée, notamment dans les opérations de mises en pension (repo) car les chambres de compensation appliquent parfois une «décote» plus importante que sur des obligations d’Etats souverains similaires, voire moins bien notés.

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