
Les ETF actifs tardent à faire la révolution annoncée aux Etats-Unis

Soutenue par dix ans de reprise économique, la gestion passive pourrait voir son succès ralenti si les marchés se retournaient. Aux Etats-Unis, divers gestionnaires ont souhaité distribuer des ETF (exchange-traded funds) gérés activement afin de proposer de l’alpha tout en profitant des avantages de cette enveloppe, pratique pour investir ou désinvestir rapidement et à moindre coût grâce à des frais de gestion limités, une certaine liquidité et un avantage fiscal particulier*. Mais avec aussi la contrainte réglementaire d’une transparence quotidienne sur les sous-jacents, indispensable pour que les « market makers » puissent proposer un prix « intraday » sur les parts d’ETF proche de la valeur nette des actifs (NAV). Cette transparence ne pose pas de problème pour des stratégies obligataires, par nature plus complexes et moins liquides, mais exposerait des stratégies actions aux arbitrages de concurrents.
Fin 2014, la société NextShares (filiale d’Eaton Vance) avait donc demandé et obtenu une autorisation de la Securities and Exchange Commission (SEC) afin de distribuer des stratégies actions sous ce type d’enveloppe sans transparence quotidienne sur les actifs en portefeuille, mais à deux conditions : conserver son mécanisme de valorisation sur la base de la NAV de fin de journée (non connue au moment de la transaction) avec un coût d’exécution affiché en fonction du rapport offre/demande au moment de la transaction de manière à reporter sur l’investisseur une partie du risque habituellement porté par les « market makers » ; et nommer le produit ETMF (exchange-traded managed funds) afin de ne pas induire de confusion avec les ETF 100 % transparents. Début 2016, Eaton Vance a obtenu ses premières licences NextShares, de même que 18 autres gestionnaires d’actifs depuis (dont Amundi), même si 18 ETMF (153 millions de dollars d’encours) seulement sont déjà négociés de cette façon à cause d’une certaine frilosité des « brokers-dealers », explique le président de NextShares, Stephen Clark, confiant pour l’avenir.
2 niveaux de transparence
Au moins cinq autres structures souhaitent commercialiser des ETF actifs et non transparents, mais attendent encore une autorisation du régulateur après plusieurs années. Parmi ces pionniers, Precidian Investments a redéposé en mai sa demande pour l’offre ActiveShares, et justifie une non-transparence quotidienne par un mécanisme de trading spécifique permettant d’afficher une valeur « intraday » indicative vérifiée (VIIV) à l’attention des « market makers » proche de la NAV, et par un mécanisme de création/destruction de parts particulier, avec un représentant « informé » pour chaque « authorized participant » (AP) désigné. L’offre Shielded Alpha ETF, lancée par Blue Tractor Group (BTG), permettrait, elle, de publier 100 % des noms de titres en portefeuille avec une vue sur 90 % des pondérations grâce à un modèle de risque dynamique spécifique (dynamic SSR portfolio). Cet échantillonnage minimiserait la tracking error avec le portefeuille réel tout en brouillant les pistes sur les ressorts de génération d’alpha. « BTG argumente que l’algorithme protégera les investisseurs de possibles manœuvres de ‘front-running’ tout en laissant aux ‘market-makers’ des possibilités d’arbitrage afin de tirer avantage de leur engagement sur certaines parts, comme pour le trading secondaire d’ETF », explique une récente étude du cabinet ALPS sur la « révolution » des ETF actifs non transparents. Natixis IM a aussi déposé, en janvier en association avec le Nyse, une demande pour un modèle d’ETF gérés activement « à divulgation périodique » (periodically-disclosed active ETF, Nyse PDA), via un portefeuille de substitution (« proxy ») avec des positions légèrement décalées dans le temps devant permettre la couverture des positions « intraday » tant pour les teneurs de marché sur le marché secondaire que pour les AP sur le marché primaire. Comme pour les trois modèles précités, cette offre sera disponible via l’octroi de licences à des sociétés de gestion tierces.
Panier de suivi
Dès 2013, T Rowe Price avait présenté sa solution Hedged Portfolios, qui amènerait à divulguer une NAV indicative (iNAV basée sur les avoirs réels) toutes les 15 secondes et un « portefeuille de couverture » (avec une faible tracking error sur le fonds répliqué) ainsi qu’un indicateur de « déviation » tous les jours, de telle sorte que les intermédiaires pourraient lui appliquer les évolutions observées sur l’iNAV en vue d’organiser les couverture et arbitrages nécessaires pour rapprocher le cours des parts de fonds avec la NAV. Enfin, Fidelity, qui avait l’un des premiers projets avec AMETF Fidelity, propose un « panier de suivi » qui comprendrait notamment des avoirs en portefeuille récemment divulgués, construit via un modèle d’optimisation permettant de minimiser les écarts de rendement entre ce « panier de suivi » et le fonds, de la même manière que les paniers « pay-in-kind » déjà utilisés par beaucoup d’ETF pour la création/destruction de parts sans reflet de tous les actifs en détention. Positions réelles à J-30, actifs, iNAV du « panier de suivi », déviations quotidiennes..., le gestionnaire divulguerait assez d’informations pour les intermédiaires en parts d’ETF, sans la valeur « intraday » indicative (IIV) publiée par les Bourses à laquelle ils ne se fient généralement pas, utilisant plutôt des informations sur les actifs connus du portefeuille pour leurs calculs.
Si le régulateur est d’accord avec ce dernier constat, il semble gêné par les deux niveaux de transparence généralement induits : vis-à-vis des « market makers » et AP d’une part, vis-à-vis du public d’autre part. Pour Nichole Kramer et Casey Kayl, analystes chez ALPS, « la question n’est pas de savoir si ces différentes structures se développeront mais quand… ». En attendant, la Securities and Exchange Commission a proposé fin juin une régulation dédiée aux ETF avec une normalisation de la transparence quotidienne, alors que Vanguard jouit depuis 2001 d’une exemption en divulguant seulement 80 % de ses positions tous les jours. Le numéro 1 de la gestion indicielle a répondu fin septembre qu’une telle publication serait superflue au regard de la transparence déjà en place sur les paniers de titres servant aux échanges de parts et sur les titres composant l’indice, et potentiellement préjudiciable aux investisseurs du fait des risques de « front-running ».
*Aux Etats-Unis, le fait qu’un intermédiaire pour la revente des parts d’ETF puisse se faire payer en titres permet que la plus-value sur la revente des sous-jacents ne soit pas soumise à l’impôt, à la différence de celle générée par les « mutual funds » directement à l’échelle du fonds.
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